mercredi 14 juin 2017

LA CHUTE pour Le Président Hollande OPHELIE pour Le Président Macron

En marge de la visite au Maroc de Monsieur  Emmanuel Macron
Président de la République Française

LA CHUTE  pour  Le Président Hollande
  OPHELIE pour Le Président Macron
ANTIGONE  pour Messieurs  Benkirane et Othmani
Mardi 2 avril 2013, la veille de la visite d’Etat au Maroc du Président de la République Française, monsieur François Hollande, le Théâtre National Mohammed V donnait une deuxième et dernière représentation de La chute d’Albert Camus. Prenant la parole à la fin de la représentation pour remercier le public et parler des conditions et des moyens dérisoires qui accompagnèrent la douloureuse naissance de La chute,  je n’ai pu m’empêcher de dire à l’assistance combien j’aurais été heureux et honoré de voir le Président François Hollande présent à cette représentation de La chute, interprétée magistralement en langue française par une très grande comédienne marocaine de l’envergure des très grandes comédiennes françaises. Mais l’illustre hôte de Sa Majesté le roi Mohammed VI, n’allait arriver à  Rabat que le lendemain mercredi 3 avril 2017.  Ainsi monsieur François Hollande qui, dès son intronisation à L’Elysée, se voyait injustement chuter dans les sondages jusqu’à sa récente chute finale, n’aura pas vu l’avocat Jean-Baptiste Clamence décrire  sa lente chute dans l’univers glauque et trouble des gens à la toge noire. Mais le président François Hollande, pendant sa visite d’Etat, eut l’honneur pendant de marcher sur un talus couvert de tapis aux couleurs chatoyantes pour aller inaugurer une station d’épuration, non loin d’une décharge publique. Etait-ce là une réponse du roi au Président qui lui avait fait battre longtemps le pavé avant de le recevoir sur les marches de  l’entrée  de l’Elysée ?
Aujourd’hui, mercredi 14 juin 2017, à l’occasion du premier jour de la visite officielle dans notre pays du nouveau Président de la République Française, monsieur Emmanuel Macron, j’ai pensé souriant au président François Hollande qui n’avait pas pu voir La chute d’Albert Camus  pour mesurer combien les Marocains, qui sont encore à la recherche de leur identité et de leur langue nationales,  aiment et apprécient la langue française et combien cette belle langue française est présente dans leur vie privée et professionnelle, tout en m’enthousiasmant à l’idée de voir son successeur venir au théâtre de l’Uzine pour écouter Macbeth, un des deux personnages de la pièce de théâtre Ophélie n’est pas morte,  déverser sa haine de colon : « Quelque chose bouge. La révolte est arrivée. C’est fini. C’est la fin de notre règne. Adieu mes plantations, mes terres, mes nègres. Mes bêtes .Nous n’aurions pas dû leur apprendre à lire et à écrire. Il fallait les laisser sauvages à l’état sauvage...Et dire que toutes ces merveilles que nous avons créées aux mille efforts et à la sueur de nos fronts vont disparaître, saccagées par ces apaches. Mais ne nous affolons pas. Nous reviendrons plus tard. Ceux qui vont nous remplacer bien qu’ils soient de la même graine que ces arriérés sont de la même race que nous. Notre civilisation, notre langue et notre domination dureront et continueront grâce à ceux là mêmes qui réclament la liberté et l’indépendance de leur pays. ».
Comme monsieur François Hollande, qui n’a pu voir La chute Monsieur Emmanuel Macron ne verra  pas Ophélie n’est pas morte  et n’entendra pas Hamlet, l’autre personnage de la pièce, répondre à Macbeth, qui lui demande s’il veut écouter Molière, interprété par les cracks de la Comédie Française : « Non ! Plus de Molière ! Nous ne connaissons que Molière ! Nous sommes industriellement sous-développés parce que notre culture théâtrale  est à base d’artisanat moliéresque. Depuis le Roi Soleil, la France a jonglé avec les révolutions. Jonglé ! Et si nous, nous jonglons avec Molière cela veut dire que nous sommes sous les bottes des seigneurs qui veulent nous maintenir dans un moyen-âge sans fin ».
Monsieur Emmanuel Macron ne verra pas Ophélie n’est pas morte  dans  sa  traduction en arabe classique, quarante sept ans après sa première création en langue française, attribuée à Molière dont Le malade imaginaire  présenté récemment au Théâtre  Mohammed V, plein à craquer de spectateurs marocains qui ne jurent que par la belle langue française, alors que leur belle langue arabe qui est aussi poétique, riche et puissante, que ne peut l’être la langue française, semble ne pas atteindre leurs cœurs alors que le patriotisme et l’identité sont d’abord liés à la langue. La langue, notamment la langue française que les Instituts Français au Maroc se doivent de défendre de véhiculer et de glorifier pour la faire aimer aux Marocains.  Ils la feront plus aimer et accepter s’ils s’ouvraient à  la langue arabe en accueillant dans leurs théâtres des pièces de théâtre en arabe classique pour faire aimer la langue du « dad »  aux élèves des établissements relevant de la Mission Culturelle Française. Un tel acte ne fera que valoriser la langue française aux yeux des Marocains arabophones, qui continuent de voir en elle la présence de la        France colonialiste. Cependant, devant le cruel vide culturel côté marocain, la présence dans notre pays des Instituts Français, espagnols, allemands, anglais, néerlandais, demeure plus que vitale pour le citoyen marocain modeste. Ne soyons donc pas étonnés de voir  les Instituts Français au Maroc investir  le Théâtre Mohammed V à Rabat, le Théâtre Mohammed VI   à Oujda, et tout autre lieu, susceptible de leur permettre de faire briller la culture française et la langue française.
Et tant qu’une véritable vision culturelle révolutionnaire ne germe pas et ne prend pas forme dans la tête de nos dirigeants pour comprendre que la Culture est vitale pour la société, la présence au Maroc des Instituts culturels européens, et plus particulièrement français ne pourra qu’immuniser les esprits fragiles contre les apprentis obscurantistes, qui,  venus au Théâtre Mohammed V voir Antigone, causèrent par leur chahut ininterrompu l’arrêt de  la représentation. C’était le 4 décembre 2002, époque où le PJD de messieurs Benkirane et Othmani était dans l’opposition. A ce sujet, je leur donne à lire cet extrait de l’éditorial que le journal Attajdid consacra, le 13 décembre 2002, à la représentation d’Antigone, jouée en langue française  par des comédiennes marocaines. « Sur la scène du Théâtre National Mohammed V, ce soir du mercredi soir 11 décembre  2002, il y  avait de la débauche, du sexe, de la fumée de cigarettes, du vin et Nabyl Lahlou qui se pavane sur scène, tout nu, à l’exception d’un bout tissu lui cachant son sexe et son gros derrière. Ces lieux de dépravation et de perdition où la langue française et la francophonie font un ravage dans les esprits et la pensée de la jeunesse de notre pays, nouvelle victime de ce nouvel impérialisme que représentent la langue française et la francophonie ».
                                                                                     Rabat 14 juin 2017
                                                                                     Nabyl Lahlou