En marge de l’abominable, lâche et barbare assassinat de journalistes, de
quatre grands créateurs caricaturistes de Charlie Hebdo, et de deux policiers,
j’exprime ma solidarité n ainsi que mon dégout et mon indignation, tels que je
les avais exprimés, dans cet article que j’avais écrit le 16 mars 1994, suite à
l’assassinat par des intégristes du grand écrivain de théâtre et metteur en
scène algérien Abdelkader Alloua.
Nabyl Lahlou
AU SUIVANT...
Le
terrible dessin de Plantu, illustrant, en première page du Monde, la mort, la
mise à mort de l’écrivain algérien Tahar Djaout, continue de me hanter et
d’habiter ma mémoire. Et chaque fois que je revois ce dessin, je me mets à
trembler en pensant que l’ignorance est une gangrène pour la Lumière. L’ignorance
est génératrice de fanatisme et d’obscurantisme. L’ignorance, quand elle est généralisée dans les esprits
et enracinée dans les cœurs et les regards, se transforme en « science »
purificatrice, en système de nettoyage et en outils de liquidation de tous ceux
qui pensent autrement et croient avoir le droit de penser autrement. La haine
d’installe et les dérapages - contrôlés, ou incontrôlés - font des victimes, que ce soit par calcul, ou
par simple dénonciation, relevant du règlement de compte. Cela s’est vérifié à
travers les siècles de notre histoire. Mais à travers l’Histoire, l’Histoire de
la Civilisation arabo-musulmane, du temps de sa grandeur, jamais les penseurs, les poètes, les
écrivains, les dramaturges, les artistes et les musiciens, n’ont fait l’objet
de liquidations physiques , de tentatives d(assassinat, ou de mise à mort, au
nom de la religion.
Les
penseurs sont à l’origine de toutes les civilisations. L’humanité peut en être fière car c’est grâces à
eux, aux poètes, aux écrivains, aux dramaturges, aux artistes et aux musiciens,
que l’amour de l’humanité continue d’exister à travers l’amour de l’Homme pour
l’homme la défense de l’être, l’Homme, dans ses droits et dans sa dignité
pour sa liberté et son épanouissement, qui doivent demeurer des remparts contre
toute dictature, contre toute ignorance, toute haine destructives, contre tout
fanatisme dévastateur et meurtrier
Jamais,
à travers l’Histoire, une nation ne s’est aventurée à tuer ses penseurs, ses
fils, qui ont choisi de penser, chacun à sa manière, que ce soit par le livre, la plume, le journalisme, le
théâtre, la télévision, le cinéma, la médecine, la peinture ou la poésie. Mais
voilà que cela quotidiennement en Algérie, cette Algérie pour laquelle j’ai
versé des larmes de joie, comme tous les marocains, le jour de son Indépendance...
Le
coran dit : « Nous vous avons sortis des ténèbres vers la
Lumière ».
Les
lumières se sont éteintes pour toujours pour Alloula. Il ne fera plus jamais son salut d’artiste.
Et le salut de l’Algérie réside dans sa force et dans l’unité de son peuple ; dans la
puissance de ses penseurs, de ses intellectuels, de ses poètes de ses écrivains et ses théologiens, libres et indépendants,
face à tout pouvoir dictatorial.
Prévert
disait : « Il est dur le bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir
d’étaim.il est dur le bruit de l’homme qui a faim.»
Ah ! ce qu’il es dur le bruit de la balle qui tue
la pensée innocente, la pensée libre et
rebelle.
« Au
suivant... », Chantait Brel dans
une histoire sordide.
Qu’il
n’y ait plus jamais de suivant, après ALLOULA, dans cette histoire sordide qui
divise et ravage des frères.
Rabat.
16 mars 1994
Nabyl Lahlou