En marge de la visite au Maroc de Monsieur Emmanuel Macron
Président de la République Française
LA CHUTE pour Le Président Hollande
OPHELIE pour Le Président
Macron
ANTIGONE pour Messieurs Benkirane et Othmani
Mardi 2 avril 2013, la veille de la
visite d’Etat au Maroc du Président de la République Française, monsieur
François Hollande, le Théâtre National Mohammed V donnait une deuxième et
dernière représentation de La chute d’Albert Camus. Prenant la parole à la
fin de la représentation pour remercier le public et parler des conditions et
des moyens dérisoires qui accompagnèrent la douloureuse naissance de La
chute, je n’ai pu m’empêcher de
dire à l’assistance combien j’aurais été heureux et honoré de voir le Président
François Hollande présent à cette représentation de La chute, interprétée
magistralement en langue française par une très grande comédienne
marocaine de l’envergure des très grandes comédiennes françaises. Mais
l’illustre hôte de Sa Majesté le roi Mohammed VI, n’allait arriver à Rabat que le lendemain mercredi 3 avril 2017.
Ainsi monsieur François Hollande qui,
dès son intronisation à L’Elysée, se voyait injustement chuter dans les
sondages jusqu’à sa récente chute finale, n’aura pas vu l’avocat Jean-Baptiste
Clamence décrire sa lente chute dans l’univers
glauque et trouble des gens à la toge noire. Mais le président François
Hollande, pendant sa visite d’Etat, eut l’honneur pendant de marcher sur un
talus couvert de tapis aux couleurs chatoyantes pour aller inaugurer une
station d’épuration, non loin d’une décharge publique. Etait-ce là une réponse
du roi au Président qui lui avait fait battre longtemps le pavé avant de le
recevoir sur les marches de l’entrée
de l’Elysée ?
Aujourd’hui, mercredi 14 juin 2017, à
l’occasion du premier jour de la visite officielle dans notre pays du nouveau
Président de la République Française, monsieur Emmanuel Macron, j’ai pensé souriant
au président François Hollande qui n’avait pas pu voir La chute d’Albert
Camus pour mesurer combien les Marocains,
qui sont encore à la recherche de leur identité et de leur langue nationales, aiment et apprécient la langue française et
combien cette belle langue française est présente dans leur vie privée et
professionnelle, tout en m’enthousiasmant à l’idée de voir son successeur venir
au théâtre de l’Uzine pour écouter Macbeth, un des deux personnages de la pièce
de théâtre Ophélie n’est pas morte,
déverser sa haine de colon : « Quelque chose bouge. La
révolte est arrivée. C’est fini. C’est la fin de notre règne. Adieu mes
plantations, mes terres, mes nègres. Mes bêtes .Nous n’aurions pas dû leur
apprendre à lire et à écrire. Il fallait les laisser sauvages à l’état
sauvage...Et dire que toutes ces merveilles que nous avons créées aux mille
efforts et à la sueur de nos fronts vont disparaître, saccagées par ces
apaches. Mais ne nous affolons pas. Nous reviendrons plus tard. Ceux qui vont
nous remplacer bien qu’ils soient de la même graine que ces arriérés sont de la
même race que nous. Notre civilisation, notre langue et notre domination
dureront et continueront grâce à ceux là mêmes qui réclament la liberté et
l’indépendance de leur pays. ».
Comme monsieur François Hollande,
qui n’a pu voir La chute Monsieur Emmanuel Macron ne verra pas Ophélie n’est pas morte et n’entendra pas Hamlet, l’autre personnage
de la pièce, répondre à Macbeth, qui lui demande s’il veut écouter Molière, interprété
par les cracks de la Comédie Française : « Non ! Plus de
Molière ! Nous ne connaissons que Molière ! Nous sommes
industriellement sous-développés parce que notre culture théâtrale est à base d’artisanat moliéresque. Depuis le
Roi Soleil, la France a jonglé avec les révolutions. Jonglé ! Et si nous,
nous jonglons avec Molière cela veut dire que nous sommes sous les bottes des
seigneurs qui veulent nous maintenir dans un moyen-âge sans fin ».
Monsieur Emmanuel Macron ne verra
pas Ophélie n’est pas morte dans sa traduction
en arabe classique, quarante sept ans après sa première création en langue française,
attribuée à Molière dont Le malade imaginaire présenté récemment
au Théâtre Mohammed V, plein à craquer de
spectateurs marocains qui ne jurent que par la belle langue française, alors
que leur belle langue arabe qui est aussi poétique, riche et puissante, que ne peut
l’être la langue française, semble ne pas atteindre leurs cœurs alors que le
patriotisme et l’identité sont d’abord liés à la langue. La langue, notamment
la langue française que les Instituts Français au Maroc se doivent de défendre
de véhiculer et de glorifier pour la faire aimer aux Marocains. Ils la feront plus aimer et accepter s’ils
s’ouvraient à la langue arabe en
accueillant dans leurs théâtres des pièces de théâtre en arabe classique pour
faire aimer la langue du « dad »
aux élèves des établissements relevant de la Mission Culturelle
Française. Un tel acte ne fera que valoriser la langue française aux yeux des Marocains
arabophones, qui continuent de voir en elle la présence de la France colonialiste. Cependant, devant
le cruel vide culturel côté marocain, la présence dans notre pays des Instituts
Français, espagnols, allemands, anglais, néerlandais, demeure plus que vitale
pour le citoyen marocain modeste. Ne soyons donc pas étonnés de voir les Instituts Français au Maroc investir le Théâtre Mohammed V à Rabat, le Théâtre
Mohammed VI à Oujda, et tout autre
lieu, susceptible de leur permettre de faire briller la culture française et la
langue française.
Et tant qu’une véritable vision
culturelle révolutionnaire ne germe pas et ne prend pas forme dans la tête de
nos dirigeants pour comprendre que la Culture est vitale pour la société, la
présence au Maroc des Instituts culturels européens, et plus particulièrement
français ne pourra qu’immuniser les esprits fragiles contre les apprentis obscurantistes,
qui, venus au Théâtre Mohammed V voir Antigone,
causèrent par leur chahut ininterrompu l’arrêt de la représentation. C’était le 4 décembre 2002,
époque où le PJD de messieurs Benkirane et Othmani était dans l’opposition. A ce
sujet, je leur donne à lire cet extrait de l’éditorial que le journal Attajdid consacra,
le 13 décembre 2002, à la représentation d’Antigone, jouée en langue
française par des comédiennes
marocaines. « Sur la scène du Théâtre National Mohammed V, ce soir du mercredi
soir 11 décembre 2002, il y avait de la débauche, du sexe, de la fumée de
cigarettes, du vin et Nabyl Lahlou qui se pavane sur scène, tout nu, à
l’exception d’un bout tissu lui cachant son sexe et son gros derrière. Ces
lieux de dépravation et de perdition où la langue française et la francophonie
font un ravage dans les esprits et la pensée de la jeunesse de notre pays,
nouvelle victime de ce nouvel impérialisme que représentent la langue française
et la francophonie ».
Rabat 14
juin 2017
Nabyl
Lahlou
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