LA DIVA AU BENDIR D’OR
Si elle avait vu le jour dans l’Amérique du nord, dont le premier
amendement de la Constitution est un pare-choc contre toute
atteinte à la liberté d’expression, dans tous ses états et ses
domaines, Hajja Hamdaouiya aurait pu être une Dina Washington
ou une Sarah Vaughan, deux immenses chanteuses de jazz, dont
les voix divines, continuent de faire vibrer de bonheur et de plaisir
tous les amoureux du jazz.
Ne jasez pas.
Si elle était née sous la bannière : Liberté Fraternité Égalité,
Hajja Hamdaouiya aurait pu être une Piaf.
Ne piaffez pas !
Si elle avait ouvert les yeux, sous le ciel bleu du Cap-Vert, Hajja
Hamdaouiya aurait été sûrement une Cesária Évora, cette
envoûtante chanteuse-conteuse, cette « diva aux pieds nus », dont
la voix et les mélodies demeurent des enchantements qui
traversent facilement toutes les frontières pour le plaisir de l’ouïe
et de l’esprit.
Née à Casablanca, « l’année du dahir berbère », que la Résidence
générale promulgua en mai 1930 pour semer la division et la
zizanie entre les Marocains arabes et les Marocains berbères, mais
tous unis par l’islam, Hajja Hamdaouiya, qui devait sûrement
s’endormir, bercée par les chants berbères qui glorifiaient le
courage et la bravoure des guerriers et des résistants qui
continuaient à se battre contre l’occupant français qui s’était
emparé officiellement du pays en 1912, ne sera ni une Ella
Fitzgerald, ni une Asmahane, ni une Maria Callas, mais une bonne
chanteuse populaire qui connaîtra, durant sa très longue carrière
l’aisance, la gloire et la pauvreté.
Élégante, fine physiquement et ne manquant ni de charme ni
d’aura, Hajja Hamdaouiya chantera dans les meilleurs boites de
nuits des grands hôtels du Maroc.
C’est ainsi qu’en 1970, à l’hôtel
de la Tour Hassan à Rabat, j’ai eu le privilège de la voir et de
l’écouter chanter. Elle était élégante dans son caftan simple et
pur, se mouvant avec grâce et maniant son bendir gracieusement.
Avec sa voix, douce et suave, elle chantait de belles chansons, dont
les paroles, si simples, étaient de jolis poèmes.
En 1970, Hajja Hamdaouiya qui avait déjà quarante ans, aurait pu
rencontrer un grand compositeur, arabe ou européen, qui lui
aurait fait découvrir une autre manière d’interpréter ALAITA. Imaginons Barbara Hendrix chanter ces mots magiques que Hajja
Hamdaouiya chante dans une de ses chansons : وانا بعدا حاضية
البحر ليرحل « Et moi, je suis là, pour surveiller que la mer ne parte
pas »
Rabat, 6 avril 2021
Nabyl Lahlou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire