dimanche 11 mars 2012

A L'occasion de l’inscription au prochain FESTIVAL DE CANNES de mon nouveau film REGARDE LE ROI DANS LA LUNE


 Pas de Palme d’Or
 pour  Tabite or not Tabite  de Nabyl Lahlou

Pour son soixantième anniversaire, le Festival international du Film de Cannes a choisi et retenu pour la Compétition Officielle? seulement vingt-deux films sur les 1.645 longs métrages qui lui ont été envoyés, soit par leurs réalisateurs, soit par leurs producteurs, soit par les omniprésentes et puissantes compagnies cinématographiques de production et de distribution américaines; soit -mais ces temps sont révolus,- par des Etats du Tiers-monde et d’ailleurs. Il faut être vraiment stupide pour croire que le comité de sélection du Festival de Cannes peut, d’une manière objective, honnête et rigoureusement professionnelle, visionner, calmement et scrupuleusement, 1.645 films, représentent une moyenne de 3.000 heures de projections, sans commettre d’injustice à l’égard de certains cinéastes relevant de contrées ou de patelins non rentables. Mais, à l’heure des DVD qui se regardent en diagonale, tout devient possible, y compris sacrifier des créateurs inventifs au profit de la machin américaine.                                                             .
 Dès lors, je peux affirmer que le  choix pour les futures sélections et pour la future Compétition officielle de 2008, sont déjà arrêtés, du moins pour certains cinéastes et producteurs, amis et proches du Président du Festival, Gilles Jacob, et de ses collaborateurs. Car j’imagine mal, très mal le Festival international du Film de Cannes ouvrir sa Compétition officielle à plusieurs cinéastes producteurs indépendants et marginalisés qui, dans les coins lointains de notre insoutenable injuste planète, travaillent et créent avec rien.                                                   . 
Et si je n’ai pu mettre les pieds à Cannes pour la première fois qu’en 1979 pour y dénicher une comédienne française pour mon deuxième film Le Gouverneur général de l’île de Chakerbakerben, il m’aura fallu attendre février 1984, pour que je décide d’envoyer au Délégué général du Festival de Cannes -un certain Gilles Jacob-, mon quatrième film : L’âme qui brait, pour la Compétition officielle.  L’âme qui brait leur a plu,  d’après  mademoiselle Geneviève Pons, aujourd’hui, Madame la directrice de la sélection “Un Certain Regard”. Mademoiselle Geneviève Pons me fit savoir avec sa jolie et douce voix  que L’âme qui brait allait être proposé à la “Quinzaine des réalisateurs”. J’ai décliné gentiment cette offre, insistant sur la Compétition officielle ou rien du tout. Ce fut rien du tout. Le film sera cependant présenté pendant trois séances, à mes frais, dans le cadre du marché du film. Et, suite à ces projections, il fut remarqué et choisi pour concourir pour le César du film francophone, avec d’autres films, dont un de Youssef Chahine. Finalement, c’est le cinéaste burkinabé Gaston Gaboré, devenu aveugle depuis une dizaine d’années, qui reçut ce César francophone.
Et depuis que j’avais proposé pour la Compétition officielle, en 1984, mon film L’âme qui brait, je suis resté fidèle à mes choix, mes désirs et mes ambitions. Ainsi, mes trois derniers films : Komany, La Nuit du crime et Les Années de l’exil, envoyés tous à Cannes pour la Compétition officielle, respectivement en 1989, 1992 et 2002,  furent refusés, accompagnés de la même litanie incolore et inodore : “Nous avons le regret de vous faire savoir que votre film n’a pas été retenu pour la compétition officielle »
 Pour mon dernier film, Tabite or not Tabite, avec lequel je voulais viser la Palme d’Or, cuvée 2007, la  litanie des organisateurs a un goût bizarrement amer et cinglant pour le créateur solitaire et combattu que je suis: “Votre Tabite or not Tabite n’a été retenu ni pour LA COMPETITION OFFICIELE, ni pour UN CERTAIN REGARD ni pour LA CAMERA D’OR.”  L’indépendance d’esprit et les ambitions légitimes se payent cher. Car il faut être soufi et suffisamment serein et se suffisant à soi-même pour ne pas tomber dans le piège de cette machine étourdissante et ensorcelante, qu’est devenu le Festival de Cannes. Car ce Festival est une gigantesque machinerie bien huilée avec ses deux mille employés, ses trois mille journalistes, ses cent mille habitants et cinéphiles, ses archi-milliardaires, ses yachts et ses soirées à la Sodome et Gomorrhe. 
En février 2005, pour mes soixante ans, j’envoie une lettre à monsieur Gilles Jacob,  Président du Festival de Cannes, lui disant : « Je ne sais si mon nouveau film Tabite or not Tabite pourra être prêt pour le prochain Festival de Cannes, qui va se tenir du 17 au 28 mai 2005. Ah comme j’aimerais que mon film soit retenu pour la Compétition officielle et qu’il gagne la Palme d’or. Quel bonheur ce sera pour moi de gagner cette Palme d’or pour l’offrir à ma fille, Marienkenzi,  qui fêtera ses treize ans, le 28 mai 2005, jour de la remise des Prix. ».  Pas de Palme D’or pour Tabite or not Tabite , en  ce soir du 28 mai 2005, car le film ne sera pas envoyé à Cannes à cause de toutes les difficultés financières qu’il a rencontrées tout le long du tournage ainsi que les problèmes techniques, dus à l’inexpérience des techniciens du son du Centre Cinématographique Marocain. Tabite or not Tabite ne sera définitivement terminé et mixé que début juin 2006. Et dire que son tournage avait commencé le 20 avril 2004. Aussi une fois la copie zéro de Tabite or not Tabite  sort en couleur de notre laboratoire national qui en fait voir de toutes les couleurs, le 25 juin 2006, un DVD est fait à partir de cette copie zéro, et est donné, en mains propres, le 6 juillet 2006, à Noureddine Saïl, vice-président de la Fondation du Festival international du Film de Marrakech. Un autre DVD, accompagné d’une belle lettre, est également remis en mains propres, le 15 septembre 2006, au même Noureddine Saïl pour qu’il le remette à Bruno Barde, le directeur artistique  du Festival international du Film de Marrakech et le seul responsable du choix des films pour ce Festival et pour sa Compétition officielle. Aucune réponse, orale ou écrite, ne m’a été communiquée, ni par Noureddine Saïl, ni par Bruno Barde, qui reconnait ne pas se souvenir de Tabite or not Tabite parmi les mille films qu’il a dû visionner, tout seul, pour décider, tout seul, du sort de la Compétition du Festival international de Marrakech. En ignorant mon film, un film marocain, un beau film marocain à cent pour cent marocain (à l’exception de l’ingénieur mixeur), ces deux responsables ont vraiment privé Roman Polanski de l’occasion de m’offrir et d’offrir à notre pays le Grand Prix de cette sixième édition du Festival international du Film de Marrakech. Ce n’est que partie remise pour tous les créateurs marocains, sabotés, directement ou indirectement, dès la première édition du Festival international du Film de Marrakech, placée sous le signe des copains et des coquins et d’un paternalisme qui vous donne la certitude que vous n’êtes que de pauvres indigènes dans votre propre pays. Jamais je ne me suis autant senti colonisé que pendant ce Festival du film de Marrakech.  
Mais viendra un temps où les compétences, honnêtes, droites et justes, des compétences représentées par des  femmes et des hommes de chez nous, des Marocaines et des Marocains, des êtres longtemps marginalisés et combattus, des êtres visionnaires et révolutionnaires dans leurs perceptions des risques de la création, et des dérapages des audaces et des folies artistiques, seront appelées à diriger ce Festival international du Film de Marrakech, non pas pour le “marocaniser” - quelles catastrophes, furent “la marocanisation” et “l’arabisation”, mais pour le hisser vers les cimes de la création universelle, avec une nouvelle âme, sa propre âme, avec son amour-propre, sa propre identité et son propre style, à des années lumières de tout nationalisme et chauvinisme mortels pour l’art et la création. En attendant que les choses changent, moi, lundi 11 juin, à 9 heures du matin, je dois me présenter à La Cour d’Appel de Rabat. Motif: La veuve du commissaire Mostafa Tabite m’intente un procès pour demander l’interdiction pure et simple de mon film Tabite or not Tabite.
Un autre combat s’engage contre ceux et celles qui veulent que le silence règne sur tous les crimes et les forfaits commis et restés impunis. 
À moi mon cinéma, ma création et mes convictions. 
À eux leur cinoche, leurs chantages  et leurs escroqueries.  
                             
Rabat, 20 mai 2007. Nabyl Lahlou

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