Je
me souviens du jour où le directeur du Théâtre Bouchaïb Bidaoui - plus
connu sous le nom : Théâtre Sidi Belyout - , me demanda de reporter
à deux jours la première représentation de ma pièce : " LES
MÉMOIRES D'ALEXIS IVANOVITCH NICOLASY KOL KOL TEUKH MAUKH", car il avait
promis de mettre le Théâtre à la disposition d'une Association juive qui
parrainait le premier spectacle d’un jeune humoriste, nommé GAD ELMALEH.
Cela
s'était passé en mars 1993. 20 ans, tout
rond.
Si
le jeune GAD ELMALEH donna son premier ONE MAN SHOW au Théâtre Bouchaïb
Bidaoui, plein à craquer de juifs marocains, fiers de soutenir l'un des
leurs, moi, deux jours plus tard, je jouai ma pièce de théâtre
"LES MÉMOIRES D'ALEXIS IVANOVITCH NICOLASY KOL KOL TEUKH MEUKH"
devant des sièges vides et grelottant de froid et de solitude.
J’en
ai encore conclu que les marocains et les marocaines, musulmans francophones ou
anglophones, et même berbérophones, n’aiment pas du tout aller au théâtre pour
voir des pièces de théâtre, interprétées en langue arabe, classique ou
dialectale. Ils ont peut-être raison.
C’est
aussi un mépris cinglant que ces marocains musulmans francophones argentés, affichent,
ouvertement, vis-à-vis de tout ce qui a trait à la langue arabe ou au spectacle
en langue arabe, car, d’après ses gens-là, c’est souvent barbant, archaïque et
arriéré. Là, je ne peux leur donner raison. Car si la France, en tant
qu’ex-puissance coloniale a quitté, territorialement, le Maroc, elle y demeure,
grâce à sa langue, sa belle langue, présente
dans les esprits de ceux et celles qui dominent et dirigent le pays. Et ce sont ces gens-là, ces décideurs, ces
marocains musulmans francophones fortement argentés, de tous âges , ainsi
que leur progéniture et ceux et celles qui veulent leur ressembler, ou les
imiter, qui se sont réveillés, un lundi
18 février à 6 heures du matin
pour aller former une queue de plus de deux cents mètres devant le Théâtre
National Mohammed V, dans l’espoir de pouvoir acheter un billet à huit cents
dirhams (800 dirhams), pour voir leur idole GAD ELMALEH, le chouchou des
français de France et des marocains français du Maroc.
Super
médiatisé, comme le chanel 5, ou le fromage Bridou, plus présent dans les
esprits des marocains francophones et des français marocains, que les cinq
appels à la prière que 2M est obligée de diffuser chaque jour, GAD ELMALEH, ce
chouchou des français de France et des marocains français du Maroc, n’avait
même pas besoin de publicité pour faire parler de son spectacle. Car avant même
de l’annoncer, ses promoteurs avaient déjà vendu tous les billets pour trois
représentation au théâtre Mohammed V, aux prix de 800 dirhams. 600 dirhams. 400
dirhams, soit presque un million de
dirhams par représentation de deux heures maximum.
Ainsi
la star française , Gad El Maleh, retournera-t-elle à Paris,
chez elle, enrichie de plusieurs millions de dirhams qu’elle aura gagnés
avec ses huit représentations, données à Casablanca, Marrakech et Rabat, huit prestations qui lui auraient permis de
rôder ses gags devant des milliers de cobayes marocains, médusés et acquis à
ses gags, des gags dont aucun ne passera s’il les jouait en langue marocaine
dialectale. Il en est de même pour les gags de son compatriote français Jamal
Debbouze, la star française, le chouchou des français. Ceci dit, je ne peux que
crier : Vive la République française qui a donné tant de GAD et de DEBBOUZZE.
Je
ne peux que crier aussi :Pauvres de nous, nous, les marocains, qui continuons
de nous mépriser et mutuellement, parce que nous ne croyons plus, en bons colonisés, dociles et
assujettis que nous sommes devenus, qu’à tout ce qui est étranger et vient de
l’étranger. Une queue de deux cents mètre pour voir un humoriste. Quelle tristesse!
J’an
doute fort que ces marocains et marocaines, musulmans, francophones, fortement
argentés et possédant la double nationalité, sinon la triple, pourront-ils se
présenter au guichet du Théâtre National Mohammed V quand la grande comédienne
marocaine, Sophia Hadi y jouera LA CHUTE d’Albert Camus. Quel gâchis !
Rabat,
25 février 2013
Signé
Nabyl Lahlou
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