mardi 3 décembre 2013

13ème Festival International du Film de la Principauté de Marrakech



En marge du 13ème Festival International du Film de la Principauté de Marrakech
L’insoutenable impossibilité de grandir chez soi.
Les grands créateurs existent autant par la forte personnalité de leur mémoire que par leur talent, ou leur génie. Un cinéaste qui n’a pas de mémoire ne peut être ni un grand créateur, ni un vrai cinéaste. En revanche, un grand cinéaste, en vrai créateur et démiurge qu’il est, brille par sa mémoire, une mémoire qui ne peut admettre l’oubli, jouer à la mémoire qui oublie, ou à la mémoire qui fait semblant d’oublier. Quand on est sain de mémoire, on ne peut travestir ni la vérité, ni la réalité, encore moins les  effacer de la mémoire.
Pendant le FIFM de 2007, me trouvant subitement face à face avec l’actuel président du jury de ce 13ème FIFM, Martin Scorsese, je n’avais pas hésité une seule seconde à  lui demander de me céder sa place pour animer, à sa place, la « leçon de cinéma » (Master-class), qu’il devait donner le lendemain. Et en l’écoutant donner sa « leçon de cinéma », je croyais m’écouter parler. Ma mémoire garde, intacte, cette proposition que j’avais faite à Martin Scorsese,  pendant que, mélangés à la foule des cinéphiles, nous nous apprêtions à entrer dans la grande salle de projection du Palais des Congrès, cette belle œuvre architecturale qui a été conçue et construite, dans les années 80, par Abdelhadi Alami, un jeune entrepreneur marocain, à qui la Fondation du FIFM aurait dû rendre hommage, depuis bien longtemps, car, sans l’existence de son Palais des Congrès( dont il a été dépouillé), le FIFM aurait, dès sa première session en 2001, atterri au cinéma Colisée, dont le gérant a été décoré de l’Etoile de Marrakech, par la comédienne française Jeanne Moreau, la présidente du jury du 2ème FIFM, présidé pour la deuxième et dernière fois par le conseiller du roi, André Azoulay qui est toujours conseiller du roi.
Revenons donc à la mémoire qui est le déclic de toute écriture scénaristique,  pour demander à la mémoire de l’auteur de L’âme qui brait si elle pense que la mémoire du père de Raging Bull  a bel et bien entendu et enregistré la proposition de l’auteur de Brahim Yach, d’animer la Master-Class à la place du géniteur de Mean Streets ? Sans doute que oui, car elle est tombée dans une mémoire libre et démocratique, la mémoire d’un grand cinéaste, humain et créatif.
Qu’a-t-elle retenu la mémoire de Mélita Toscan du Plantier, la directrice du FIFM, quand je lui avais dit, en 2006, et en présence de Faïçal Laaraïchi, délégué du président de la Fondation du FIFM, le prince Moulay Rachid, que j’aimerai bien être le prochain président du jury du prochain FIFM. Sans doute que sa mémoire garde-t-elle encore les séquelles de cette agression physique et psychique  que le cinéaste « indigène » que je suis, a commise envers elle, en me proposant de présider le futur jury de son FIFM, le FIFM de Mélita dont la mémoire est habitée par les grands noms de cinéastes super médiatisés, tous inscrits dans le précieux agenda qu’elle a hérité de son de défunt mari, Daniel Toscan Du plantier, celui par qui est arrivé le FIFM, ce FIFM franco-français qui a commis la grande gaffe de vouloir singer Cannes où je ne me suis jamais senti étranger, alors qu’au FIFM, je me sens l’indigène du temps du protectorat.
La directrice du FIFM, la valeureuse Mélita, reste persuadée qu’il n’existe au Maroc aucun cinéaste marocain qui possède les qualités pour présider le jury de son FIFM, un FIFM qui a besoin pour être crédible, d’un président de jury,  planétairement connu comme Always, ou toute autre  marque mondialement connue.
Un marocain du nom de Mohammed Ben Mohammed comme président  du jury du FIFM, voilà de quoi faire fuir les VIP de l’héxagone.
L’insoutenable impossibilité de grandir chez soi, l’inacceptable condition de rester petit chez soi, l’exécrable résignation de ne vouloir rien changer  chez soi, voilà qui fait que notre pays restera petit avec ses hommes et ses femmes qui refusent de grandir parce que le système refuse de les voir grandir. Resterons-nous petits et drapés de petitesse jusqu’à la fin des temps parce que nous avons accepté, dès notre naissance, d’être petits et de rester petits?
Quand j’avais adressé, en 2007, une lettre ouverte au cinéaste Françis Ford Coppola pour lui parler de la situation du cinéma dans notre pays, en lui disant que  je suis aussi doué et génial que lui, parce que contrairement à lui qui vit et travaille dans un pays de grande liberté de parole et de création, moi, je végète dans un bled ou le mot est surveillé  et la parole, sous surveillance, des voix s’étaient élevées pour crier au blasphème : « Comment Nabyl Lahlou ose-t-il se comparer au grand Francis Ford Coppola. », avait écrit un journaliste dans un journal.
Il n’y pas que le régime et son système qui refusent de nous voir grandir, Il y a également tous ces mercenaires et ces profiteurs du régime et du système, dont ils  font à longueur de journée l’apologie, qui s’opposent à ce que la création cinématographique marocaine grandisse.
Le FIFM s’inscrit dans cette politique , car tous les films, dits marocains, retenus pour la  compétition du FIFM, sont des films réalisés par des cinéastes franco-marocains, ou belges d’origine marocaine, ou encore possédant la nationalité française, ou autre nationalité que marocaine. Pas de place pour les cinéastes indigènes qui n’ont que la nationalité marocaine : les archives en témoignent, à l’exception de la première session du FIFM.
Quand le FIFM deviendra-t-il Marocain et dirigé par les Marocains ? Jamais, car les Marocains veulent rester des incapables et, en même temps, de voraces et sournois profiteurs. Jamais le FIFM ne sera marocain tant que les ministres et les haut-responsables n’apprendront pas même pas à venir à l’heure aux projections, en oubliant leurs mauvaises habitudes d’arriver avec une demie  heure de retard.
Mais le FIFM deviendra Marocain et brillera internationalement de mille feux et éclats, quand tout bonnement une nouvelle génération de Marocains et de Marocaines, remplacera les Marocains actuels qui ne cessent de se mépriser et de se diviser entre eux. En attendant, Bruno Barde continuera de faire son beurre en prenant la part du lion sur les quatre vingt millions de dirhams qui représentent le budget de ce 13ème FIFM. Quand je pense que le budget du dernier Festival International du Cinéma du Caire était inférieur à six millions  de dirhams, je ne peux que crier : HALTE AU GASPILLAGE !.
                                                                                                       Rabat le 3 décembre 2013
                                                                                                                         Nabyl Lahlou

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