PARTIR TRANQUILLEMENT
« J’ai vu la mort, indisciplinée et désorientée, frapper.
Celui qu’elle touche, meurt, et celui qu’elle rate,
Vit longtemps et se fait de vieux os ».
Comme dans ces vers de ce grand poète de la Jahiliya, Zouheir Ben Abi Salama, Nour-Eddine Saïl est mort, aujourd’hui, mercredi 16 décembre 2020, emporté, lâchement et tristement, par un de ces Coronavirus qui n’a pas voulu l’épargner afin de lui permettre de continuer à vivre et à travailler jusqu’à ce qu’une belle mort, une douce mort, naturelle et paisible, vienne le prendre dans ses bras, pour le bercer éternellement. S’interroger sur la vie, le sens de la vie, sur ses bienfaits et ses méfaits ainsi que sur le bonheur ou les malheurs qu’elle apporte à l’homme et cause à l’humanité, est le propre du penseur-philosophe qui se veut libre et ne peut être que libre et indépendant pour accoucher d’idées plus que lumineuses et révolutionnaires, dont l’humanité a besoin pour mettre fin aux crimes quotidiens du Coronavirus qui ne cesse d’assassiner les humains, depuis le mois de décembre de l’année dernière.
Nour-Eddine Saïl s’en est allé trop tôt. Arraché subitement aux siens, à l’âge de 73 ans, il est allé rejoindre ses chers amis et proches, dont le peintre Mohamed Melehi, mort le mercredi 28 octobre dernier, à l’âge de 84 ans, emporté, lui aussi, par cet assassin, invisible, imprévisible et sournois, qu’est le Covid-19, ce fils de virus qui peut, du jour au lendemain m’avoir dans son collimateur et, sans crier garde, décider de m’abattre, à l’âge de 75 ans pour rejoindre Nour-Eddine Sail qui ne sera sûrement pas content de me voir à cause de tout ce que j’ai écrit sur sa gestion de la chose cinématographique et sur son exécrable politique de copinage cinématographique, allant jusqu’à le traiter d’assassin du cinema marocain. Pourtant, en me voyant débarquer dans l’autre monde, il m’accueille avec un sourire libéré, me serre dans ses bras et me dit, son regard ailleurs : "tu avais raison, Nabyl, quand tu me disais que j’aimais les courtisans et les lèches culs, dont plusieurs avaient pu faire leur premier film. Je me demande pourquoi je n’ai jamais cherché à te soutenir et te faciliter la tâche pour faire au moins le grand film de ta vie. D’ailleurs, je ne t’ai jamais vu me solliciter. Tu as toujours refusé."
Si, si, tu m’as soutenu, Nour-Eddine, parce que je te l’avais demandé par lettre. Tu m’as permis d’achever le tournage de mon huitième film Tabite or not Tabite, en m’accordant la quatrième tranche de l’aide totale d’un million sept cent mille dirhams. Cependant, en dehors de ce sympathique geste qui a eu lieu en 2004, geste pour lequel je t’ai remercié dans le générique du film, les dix années de ton mandat à la tête du CCM ont été un véritable calvaire pour moi. Quand je t’avais rendu visite pour la première fois au CCM pour te féliciter en tant que nouveau directeur général du CCM, je t’avais dit ceci : "Sans justice, il n’y aura jamais de grands film marocains, ni de beaux, ni de grands." J’espère que tu t’en souviens. Malheureusement, pendant tes dix ans à la tête du CCM, tu n’avais fait que me mettre les bâtons dans les roues à cause des articles justes que j’écrivais pour dénoncer ta désastreuse politique cinématographique. Pendant ta décennie à la tête du CCM, tu n’avais fait que soutenir tes amis et tes proches, des cinéastes venant de France et de Navarre. Je te rappelle aussi que lorsque tu as été DG de 2M, tu avais refusé de soutenir la post-production de mon septième film Les Années de l'exil d’après Enquête au pays de Driss Chraibi, ce même Driss Chraibi que tu avais invité quand tu étais directeur des programmes à la RTM. Pendant cette période tu avais programmé et diffusé mes deux premiers films Al Kanfoudi et Le Gouverneur. Mais à cause de ton esprit libre tu as fini par être éjecté de ton poste et maltraité par l’ex-ministre de l’Intérieur et de l’Information, Driss Basri. Heureusement que tu avais trouvé en Serge Adda, le patron de Canal Horizon, un ami et un sauveur.
"Là, je viens d’arriver. Je vais dormir. Cette mort atroce que m’a collée le Covid me fait encore mal. Je vais dormir. Bonne nuit, Nabyl."
Bonne nuit, Nour-Eddine. Tu peux dormir tranquille, car malgré ta mauvaise politique, tu resteras à mes yeux un homme honnête et intègre pour qui j’ai toujours eu de l’estime. À propos, si tu vois Mohamed Melehi, dis-lui bonsoir de ma part. Sa mort subite m’avait fait une vraie peine.
Mercredi 16 décembre 2020
Signé Nabyl Lahlou
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