Lettre ouverte
aux ministres marocains, instruits, cultivés et cinéphiles.
(suite et fin)
DES MINISTRES, LIBRES, INDÉPENDANTS ET SOUVERAINS
Le Maroc doit briller de mille
énergies et non d’inerties », ai-je écrit en
guise de conclusion de la première partie de cette lettre ouverte que j’adresse
aux ministres marocains, instruits, cultivés et cinéphiles. En effet, seuls des
ministres, souverains, libres, indépendants, audacieux, visionnaires, créatifs
et porteurs d’idées innovatrices et de
projets ambitieux, pourront faire briller notre pays de mille et mille énergies
pour le conduire vers les voies de la prospérité et hisser le moral de ses
habitants. Des ministres qui n’hésitent pas à sanctionner, voire à jeter derrière les barreaux tous les escrocs
et les faisans qui font faire au pays un pas en arrière, chaque fois qu’il
entreprend un bond en avant.
Hélas ! Depuis des
décennies, les gouvernements se succèdent aux gouvernements avec souvent les mêmes
ministres qui reprennent leurs fauteuils ministériels au service de la routine,
héritée de leurs prédécesseurs, qu’ils lègueront aux ministres qui vont les
remplacer pour gérer la routine. Seuls des ministres, libres, indépendants et souverains,
pourront mettre fin au règne de la Reine Routine qui bloque tout changement bénéfique
pour notre pays. Les escroqueries, les arnaques, les violations du règlement du
fonds ainsi que le détournement de biens publics n’auraient jamais été commis par
l’ex-directeur général du Centre
Cinématographique Marocain, Souheil Ben
Barga, si le Centre Cinématographique Marocain était régulièrement visité et
contrôlé par le ministre de tutelle, le ministre de la Communication, libre, indépendant et souverain. Ces forfaits,
restés impunissables, ont pu être perpétrés, impunément, parce que Souheil Ben Barga savait qu’il était
protégé par son ministre de l’Intérieur et de l’Information, le puissant Driss
Basri à qui j’avais adressé une lettre ouverte pour condamner les escroqueries,
les arnaques, les violations du règlement du fonds ainsi que le détournement de
biens publics, par son laquais Souheil Ben Barga et le laquais de ce dernier,
le président du Fonds d’aide à la production cinématographique marocaine. C’était
en 1992.
Me trouvant, il y a trois mois,
face à face avec l’ex-directeur général du Centre Cinématographique Marocain, je
l’ai salué en lui rappelant qu’il ne doit jamais oublier qu’il m’avait interdit
de faire mes films et que cette injuste interdiction a duré huit ans. « Je
ne t’ai pas interdit. Ton interdiction à été décidée pendant la tenue du Conseil
d’administration du Centre Cinématographique Marocain, présidé par le ministre
de l’Intérieur et de l’Information Driss Basri. ». Puis, fulminant de ne pas voir son
nouveau film Le songe du Calife faire l’ouverture du dernier Festival
du film de Marrakech, il me montra sur l’écran de la table de montage,
manipulée par Latefa Drissi, une fonctionnaire du CCM, la bande-annonce de son nouveau
film dont je gardes les images de batailles
et de montgolfières qui explosent dans l’air. « Le songe du Calife va
sortir dans cinq cents cinéma en France, en Espagne et en Italie.», me dit en Barga. «Tu vas donc pouvoir me
rembourser ce que tu me dois », lui ai-je dit, car Ben Berga, en tant
que prestataire de services, m’avait demandé de lui donner onze millions de
centimes, pour payer le gonflage en 35 mm de mon deuxième film Le gouverneur
général de l’île de Chakerbakerben, tourné en 16mm. Il s’avère que le
gonflage n’avait coûté que six millions de centimes. Ce milliardaire doit cinq
millions de centimes au quémandeur des croyants que je suis et resterai jusqu’à
la fin de mes jours.
Les véritables créateurs, qui
sont de grands démiurges, continuent de penser et de créer jusqu’à leur dernier
souffle ; jusqu’à ce que Le Grand Créateur les rappelle à Lui. Manoel de
Oliveira, décédé à 106 ans, après avoir accompli sa dernière prière cinématographique
en réalisant son dernier film, à 103 ans. Dans les veines des créateurs, un
sang pur, un sang propre, coule en se renouvelant jusqu’au dernier souffle de leur
vie. Quand bien même vivrai-je jusqu’à 110 ans, je ne pourrai rien faire, rien réaliser, rien
entreprendre au royaume des inerties renouvelables où les portes de la SNRT, de
2M, du CCM, du ministère de la Culture, du
ministère de la Communication ainsi que celles des grandes institutions
bancaires, demeurent fermées pour tout créateur qui risque de perturber le
sommeil de la Reine Routine et bousculer le statuquo de la
stagnation en vigueur.
Les bureaucrates-ronds de cuir
se délectent et se lèchent les babines de leurs nuisances, car pour ratés, saboter
les grands créateurs, les fait jubiler, impuissants
décideurs qu’ils sont de faire avancer
le pays.
Nour-Eddine Saïl, qui a
travesti la belle mission du fonds d’aide à la production du film marocaine en
la clonant sur le modèle français, n’aurait jamais osé le faire s’il avait eu
devant lui un grand ministre de la Communication, libre, indépendant et
souverain, connaissant parfaitement la création cinématographique et les phases
douloureuses de la production cinématographique chez nous. Nour-Eddine Saïl
n’aurait jamais, non plus, réussi à instaurer et imposer sa politique, basée
sur l’octroi de L’avance sur recettes à ses amis cinéastes étrangers ou
d’origine marocaine vivant et travaillant en dehors du Maroc, s’il avait eu en
face de lui des cinéastes marocains, libres et intègres, et non des faiseurs de films, groupés dans plusieurs Chambres
professionnelles, dont les principales sont : La Chambre Marocaine des
producteurs de films, La Chambre nationale des producteurs de films, L’Union des
auteurs- réalisateurs de films, La Chambre des producteurs de l’audio et de
l’audiovisuel, La Chambre des réalisateurs documentalistes. Ceci, sans compter les
trois Chambres syndicales des techniciens, les deux Chambres des distributeurs de films, La Chambre
des propriétaires de cinémas, La Chambre des exploitants, dont le président ne
possède pas une seule salle de cinéma, alors que Jean Pierre Lemoine,
l’empereur des complexes cinématographiques Mégarama, qui représente, à lui
seul, une trentaine de salles de cinémas, siège comme secrétaire général. C’est
le protectorat à l’envers, ou une méprise, appelée marocanisation. De même, le
prestataire de services cinématographiques et propriétaire de studios de
tournage pour les films et les télé films, Sarim Fassi Fihri, actuellement directeur
du Centre Cinématographique Marocain, s’il avait eu en face de lui un ministre de
la Communication, libre, indépendant et souverain, parfaitement au courant de se qui se trame au
niveau du Fonds d’aide et de l’aide à la rénovation des salles, n’aurait jamais
accepté que la somme de trois millions six cent mille dirhams soit donnée à des
milliardaires, propriétaires du cinéma Le Colisée à Rabat, pour le rénover. Trois
millions six cent mille dirhams offerts aux riches propriétaires de la moitié des
immeubles du boulevard Mohammed V, dont le fameux hôtel Balima qui se dresse
devant le parlement, est inacceptable, impensable, inimaginable et irréalisable dans
les pays où la justice est le moteur du progrès. Mais au Royaume des inerties renouvelables et des
inepties tonitruantes, qui réduisent la pensée et la réflexion à un brouhaha de
basse-cour où les arrogants décideurs
détestent et haïssent les gens qui n’ont pas su tricher comme eux pour devenir riches comme
eux, il reste beaucoup, beaucoup d’honnêtes fonctionnaires et de hauts cadres,
intègres, qui refuseront toujours de tricher, de brigander ou de se laisser
appâter pour devenir rapidement des riches, des riches malhonnêtes. Plusieurs
prestataires de services cinématographiques et de faiseurs de films, des franco-marocains,
des belgo-marocains ou porteurs de plusieurs nationalités, se sont vus et se
voient toujours s’offrir de grosses parts de L’avance sur recettes pour
pondre de petits films, franco-belgo-germanico-maroco, qui sont commercialisés
en France et en Belgique, mais dont le CCM ne reçoit pas un centime d’euro.
Sur la centaine de réalisateurs
et réalisatrices que compte le Maroc, seuls trois cinéastes, franco-marocains, Nabil Ayouch, Fawzi Bensaidi et Narjiss Nejjar,
font la fierté de Sarim Fassi Fihri, qui les exhibe comme des trophées, chaque
fois que leurs petits films sont pris dans
des sections parallèles de grands festivals de cinéma. Et pour remonter le
moral à Narjiss Nejjar, dont le dernier
film mérite Le bidet d’or, récompense remportée
par Jacques Dorfman que Nour-Eddine Sail invita à présider le jury du 16 ème Festival National du Film, Sarim Fassi Fihri la
nomme, le 17 février 2018, directrice de la Cinémathèque, qui n’est autre que l’ancienne
salle de cinéma, construite en 1982, sous la direction de Kouider Bennani qui
lui avait donné le nom de Hassania, en hommage à Hassan II. Et c’est aussi grâce
à cet ingénieur de Télécom, Kouider Bennani, converti, depuis une vingtaine d’années ;
en bon agriculteur, que le laboratoire couleur et l’auditorium du CCM ont pu voir le jour pour le bonheur des cinéastes
marocains, qui ne pouvaient envoyer qu’aux
laboratoires français, espagnols ou italiens, le développement et le traitement
de la pellicule couleur avec laquelle ils ont tourné leurs films. Depuis un an
qu’elle est directrice de la cinémathèque, Narjiss Nejjar, qui a pu ramasser
plus de six millions de dirhams pour pondre une connerie monumentale, ne fait
strictement rien, en dehors de parler, de gesticuler, de brasser du vent, tout
en continuant à toucher honteusement son
gros salaire mensuel et voyager à l’étranger, aux frais du contribuable pour
faire ses affaires, au nom de cette entourloupette, appelée pompeusement :
Cinémathèque Nationale du Royaume du
Maroc. Cet ancien cinéma Hassania de quatre
cents places, doit être rouvert, en tant que cinéma de quartier pour la joie des
habitants de la zone industrielle, de Hay Fath et de Hay Manal, qui comptent
pas moins de deux cent mille habitants. Dans les années 1980, le prix du billet
pour voir un film au cinéma Hassania était de cinq dirhams. Aujourd’hui, cinq
dirhams, ça parait énorme pour des jeunes, issus de familles modestes, dont les
parents ont du mal à finir la deuxième moitié du mois. Ces jeunes de ces
quartiers périphériques, pourront-ils, un jour, rêver voir un film au cinema le
Colisée à Rabat, dont le billet est à 65 dirhams, somme dérisoire pour les fils
de nantis. Comme je l’avais proposé par écrit à l’ancien ministre de la Culture,
Mohammed Achaari, et au ministre de la Communication, Larbi Messari, une cinémathèque,
crédible et digne de ce nom, ne peut être vivante et accueillante que si elle s’installe
à la salle du 7ème Art à Rabat. Et c’est
ce que j’avais dit à la petite Narjiss quand j’ai appris sa nomination à la
tête de la Cinémathèque du CCM,
Une cinémathèque est un lieu
convivial et chaleureux où sont projetés des films d’auteurs pour cinéphiles,
professionnels du cinéma et critiques du 7ème Art, pas des parasites et des pique-assiettes
qui passent d’un festival à l’autre pour se remplir la panses, jamais pour
faire travailler leurs pensées.
Hélas, nos ministres ne lisent
pas les lettres que leur envoient celles et ceux qui veulent les interpeler ;
nos ministres ne sont pratiquement jamais à l’écoute de celles et ceux qui leur exposent
par écrit leurs problèmes ou leurs litiges avec l’administration ; nos
ministres ne vont ni au théâtre ni au cinéma, d’où la totale ignorance. Tout ce
que les ministres de la Culture et de la Communication savent sur le cinéma marocain, ce sont les sornettes
d’une propagande ridicule, orchestrée par Sarim Fassi Fihri et, avant lui, par Nour-Eddine
Sail, qui ne cessent de faire l’apologie de quatre ou cinq petits films, produits
par des coproducteurs, français, belges ou allemands, des films franco-belges-marocains,
ou franco-allemands-marocains, parce qu’ils sont projetés dans les pays qui les
ont coproduits.
Au richissime prestataire de
services, Sarim Fassi Fihri, et à l’ancien directeur de 2M et du CCM, Nour-
Eddine Saïl, qui ne cessent de pérorer que « Les films marocains remportent des
prix dans les grands festivals. Le cinéma marocain se porte très bien. Nous
produisons quinze films par ans, nous sommes les meilleurs… », je leur
dis d’arrêter de faire tourner leur mauvais disque rayé, de cesser de leurrer leurs
ministres de tutelle, de mentir aux citoyens et de se payer la tête des cinéphiles.
Il faut vraiment être débile et ignare pour accepter et avaler ce genre de
propagande. A Sarim F assi Fihri et Nour Eddine Saïl, je leur dis qu’il existe
plus de quinze mille festivals de cinéma à travers la planète, que l’Inde
produit mille films par an, que les films américains s’accaparent 70% des
recettes mondiales, que la fréquentation des salles de cinéma en France a
atteint cette année plus de deux cent cinq millions de spectateurs, alors que
dans notre pays, la fréquentation annuelle des 50 salles de cinémas, existant encore
dans certaines villes marocaines, ne dépasse pas un million cent mille
spectateurs. Kénitra, ville de plus d’un million et demi d’habitants n’a plus
une seule salle de cinéma. Les islamistes doivent jubiler car ils n’aiment pas
la Culture parce qu’elle représente un danger pour leur leur fonds de commerce
religieux. A Sarim Fassi Fihri et Nour Eddine Saïl, je leur dis que ce n’est
pas un petit article de propagande, publié par la revue fantaisiste américaine Variety,
payée en dollars, qui va faire croire que le cinéma marocain se porte bien et
que c’est la ruée vers le Maroc pour les
tournages étrangers. Votre prédécesseur, Souheil Ben Barga, l’avait fait avant vous, en 1990, en payant
des pages dans Variety pour vendre son film La bataille des trois rois.
Stop donc au mensonge et à la
propagande, car cela nuit à l’image de notre pays. Je vous conseille de voir
La vaine gloire de commander de Manoel de Oliveira qui nous
fait aimer le cinéma.
Pour faire aimer le cinéma aux Marocaines
et aux Marocains, il faut les intéresser et les inciter à aller découvrir
les images de la vie, envoyées par une lampe magique, pour qu’ils savourent le
beau et profond cinéma, celui qui aborde les grands sujets humains, traite des
grands maux de l’humanité en s’attaquant aux dangers qui menacent l’Homme,
comme l’obscurantisme et l’intégrisme, ennemis du cinéma, du théâtre, de la
musique, du chant, de la danse, de la peinture, de la sculpture et de tant d’autres
formes de création et d’inventions
artistiques.
Les frères obscurantistes ne réussiront
jamais avec leur lampe à éteindre la magie de celle des Frères Lumière. Une
magie qui continuera à refléter la vie et à faire aimer la vie.
Rabat, 19 février 2019
Nabyl Lahlou
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