mercredi 25 mars 2015

LETTRE OUVERTE AUX DIRIGEANTS DE LA LIGUE ARABE

A l'occasion de la Journée mondiale du Théâtre, et suite à  la léthargie légendaire de la Ligue Arabe, je donne à lire cette lettre ouverte aux dirigeants de la Ligue Arabe,  lettre  écrite le 1er janvier 1975 et publiée dans le journal L'Opinion du 2 janvier 1975.



LETTRE OUVERTE AUX DIRIGEANTS DE LA LIGUE ARABE

Messieurs,
Permettez-moi de vous souhaiter une bonne année 75. Qu’elle soit fructueuse pour votre mission. Ce mot n’est pas un message à l’occasion de la Journée Mondiale du Théâtre que je vous adresse. Nous sommes à trois mois de mars 75, et tous les 27 mars se ressemblent pour les artistes arabes : ils prennent rarement la parole, et quand ils la prennent, elle reste muette, lettre morte sur les lèvres d’artistes mutilés. Ce sont, en général, des vedettes internationales qui lancent quelques bribes de phrases pour rendre hommage au « théâtre ».Rarement, très rarement, un message a été dit pour prôner la lutte contre les oppresseurs, pour souhaiter que la Journée Mondiale de Théâtre soit une année d’action et de dénonciations des régimes racistes, colonialistes et oppresseurs. Pour nous, artistes arabes, hommes de théâtre, cinéastes, peintres, chaque jour doit être, pour nous, une Journée Mondiale de la culture. Notre lutte doit être quotidienne, ininterrompue jusqu’à ce que nos peuples soient réveillés de leur léthargie, de leur sommeil, de leur indifférence...1975 doit être le rendez vous des artistes arabes pour défendre, ensemble, par le théâtre, par le cinéma, par la peinture, par la poésie, par toutes les formes d’art, une cause pour laquelle, chaque jour, des jeunes donnent leur vie, une cause qui est notre raison d’être et d’exister, une cause qui est notre orgueil et notre dignité, une cause connue aujourd’hui du monde entier : cette cause, c’est la cause palestinienne. La barbarie capitaliste a vite compris le rôle que peuvent jouer le cinéma, le théâtre et la littérature pour hypnotiser, domestiquer et diriger les consciences là où cette barbarie veut les mettre et les emprisonner. Depuis la chute hitlérienne, combien de films on été réalisés pour traiter en filigrane du peuple juif, et non de la démence nazie ! Combien de livres, romans ; combien de revues,  de journaux et de manifestes, sont quotidiennement déversés sur les esprits humains que contrôle avec des mains de fer  la propagande sioniste. Les jeux sont maintenant faits ; il faut savoir comment les rendre caducs et non-avenus. Les nations européennes et américaines peuvent politiquement revoir pour des raisons économiques et stratégiques, leur position vis-à-vis de la cause arabe palestinienne ; mais ceux qui ne peuvent faire marche arrière, ce sont les citoyens de ces nations, qui on été acquis, dans leur majorité, à la cause sioniste, qui a su très bien manœuvrer par le mensonge et les contre-vérités.
Messieurs,
Dans le monde arabe, il existe des metteurs en scène de cinéma et de théâtre qui peuvent contrecarrer, par leur travail, la propagande sioniste et faire connaître la cause palestinienne aux victimes du sionisme. Dans le monde arabe, il existe des hommes qui parlent les langues des autres nations, qui les écrivent ; ces hommes peuvent contribuer efficacement à faire triompher la juste lutte du peuple palestinien. Combien d’hommes dans le monde sont prêts à combattre la propagande sioniste qui ne cesse de gagner les cœurs innocents ! Dans le monde libre, il existe des hommes libres pour défendre la Palestine, chacun dans son propre domaine, chacun avec ses propres armes. Touts ces hommes, c’est à vous, messieurs les dirigeants de la Ligue Arabe, de les contacter et de leur donner les moyens pour mener leur lutte. Par les temps qui courent, l’être humain est plus sensible à la sage parole, à la vérité sacrée qu’aux échos des canons. Et si les peuples arabes aiment la paix, luttent pour la paix, l’ennemi, lui aussi, fait claironner son  désir de paix. Et comme les moyens de propagande de l’ennemi sont mille fois plus nombreux que les nôtres, sa paix, la paix qu’il veut nous dicter, est mieux accueillis que notre désire d’une véritable paix.
Messieurs,
L’art est aussi une arme. Le peuple Palestinien, qui lutte, ne l’a jamais exclue. C’est aux autres pays arabes d’armer, par les moyens financiers et politiques, les artistes arabes, metteurs en scène de cinéma et de théâtre en leur accordant la totale liberté d’expression pour qu’ils puissent mener la lutte en dehors des pays arabes, c’est-à-dire là où le sionisme sème la loi de la jungle. Messieurs les dirigeants de la Ligue Arabe puisse ce mot trouver un écho chez vous. Puisse l’année 75 être une année de lutte par l’art.
Rabat. 1er janvier 1975  Nabyl Lahlou
*Lettre publié dans le journal L’Opinion du 2 Janvier 1975.