dimanche 13 juin 2021

A MONSIEUR CHAKIB BENMOUSSA ET SES 35 COMPAGNONS

  CET EXTRAIT DE MA LETTRE OUVERTE, ENVOYÉE LE 20 AOÛT  1998 AU PREMIER MINISTRE DE LA PREMIERE ALTERNANCE POLITIQUE AU MAROC, JE L’ADRESSE, AUJOURD’HUI 11 AVRIL 2021, A MONSIEUR CHAKIB BENMOUSSA ET SES 35 COMPAGNONS


"Monsieur Abderrahmane Youssoufi

Premier ministre du Royaume du Maroc

Monsieur le Premier ministre du Royaume du Maroc


C'est par le triomphe de la justice et de la vérité, par le respect des droits et l'application des lois, par la reconnaissance au citoyen à son droit au rêve, à la dignité, au travail, au labeur et à la prospérité matérielle et culturelle, que le changement que nous attendons finira par s'imposer et triompher face aux ennemis du changement, ces gardiens du statu quo, ces disciples et adorateurs de l'éternel passé, qui veillent hypocritement, farouchement et jalousement sur le maintien et la survie de ses vestiges et de ses décombres, pour maintenir en vie et sous perfusion cet éternel présent, dont ils sucent - en infime et écrasante minorité qu'ils sont - mille présents et mille et un conforts et profits, au détriment des 95% du très gentil et adorable peuple marocain.

C'est par la libre circulation des capitaux humains que sont les idées, l'imagination, l'intelligence de l'esprit et la générosité des cœurs, que ce changement auquel nous aspirons de tous nos désirs, de toutes nos forces, ce changement pour lequel nous devons nous battre, continuellement, sans répit, avec nos convictions, toutes griffes dehors, pourra triompher face aux gros porteurs de l'inertie et de la poisse, ces ennemis du changement qui nous sécrètent et distillent, quotidiennement, des portions de désespoir et d'immobilisme mortels.

Face à la peur et à la suspicion qui ont été diaboliquement planifiées et scrupuleusement mises en œuvre pour régir, sous auto-surveillance, les rapports et les liens entre intellectuels, penseurs, artistes, prolétaires, politiques, philosophes... face au syndrome de la scission et de la division qui n'arrête pas de faire des ravages et d'accoucher de partis politiciens et d'associations "ongues", il nous faut entreprendre, avec sérénité et sagesse, avec vision et voyages, dans nos temps et nos espaces, une Révolution, culturellement intellectuelle et spirituelle, pour libérer nos esprits de l'emprise de ces pieuvres que sont justement la peur, la suspicion, la division, la scission, la démagogie, l'hypnose des discours et le mensonge de la télévision avec ses lourdeurs de la langue de bois et ses prêches de mauvaise foi.

Face à ces voyages dans nos temps et nos espaces, heureuses sondes, chantant la création et le bonheur, annonçant la fin du cauchemar des barques de la mort et du calvaire des diplômés-chômeurs et des millions de sans emplois, nous nous devons de réussir notre Révolution, notre grande et gigantesque Kermesse, artistiquement, visuellement, théâtralement, cinématographiquement, télévisuellement, esthétiquement, philosophiquement, verbalement, oralement, moralement... pour libérer l'œil, l'ouïe et l'esprit des peurs ; pour déféodaliser les mentalités de ceux qui gouvernent et dominent notre pays, pour humaniser les comportements de ceux qui décident pour nous, sans nous consulter, pour inviter les ambitions à sortir de leur hivernage et leur léthargie, pour libérer les énergies et mettre en liberté inconditionnelle, la liberté, afin de permettre au langage qui nous codifie et nous cause tant de "tangage" et d'hypocrisie, nécessaires au maintien de nos faux rapports, de ne plus être prisonnier de la langue archaïque qui le véhicule, elle-même prisonnière de tant de tabous et continuellement sur le qui-vive, sous la coupole du palais qui l'abrite."


Cette lettre ouverte que j’ai adressée à monsieur Abderrahmane Youssoufi, Premier Ministre de la Première Alternance politique au Maroc, le 20 août 1998, a été publiée en date du lundi 24 août 1998, par le quotidien AL BAYANE, dirigé à cette époque par l'actuel secrétaire général du PPS, monsieur Nabil Benabdallah.



 

samedi 5 juin 2021

PAS DE PALME D’OR POUR NABYL LAHLOU

 Lettre ouverte aux jeunes cinéastes marocains. 

PAS DE PALME D’OR POUR NABYL LAHLOU


Pour son soixantième anniversaire en 2005, le Festival International du Film de Cannes avait choisi et retenu pour sa Compétition officielle vingt-deux films sur les 1 645 longs métrages que lui avaient envoyés leurs réalisateurs. Pour mes soixante ans, j'ai adressé, le 5 février 2005, une lettre à Gilles Jacob, Président du Festival de Cannes, lui disant : « Je ne sais si mon nouveau film Tabite or not Tabite pourra être prêt pour le prochain Festival de Cannes qui va se tenir du 17 au 28 mai 2005. Ah ! Comme j'aimerais que mon nouveau film soit retenu pour la Compétition officielle et qu'il gagne la Palme d'or. Quel bonheur sera pour moi de recevoir cette Palme d'or pour l'offrir à ma fille Mariakenzi qui fêtera ses treize ans, le 28 mai 2005, jour de la cérémonie de clôture et de la remise des Prix et de la Palme d’or ».  

Pas de Palme d'or pour Tabite or not Tabite, en cette soirée du 28 mai 2005, car le film n’était pas prêt ; il ne le sera qu’en début de juin 2006. Lorgnant la jolie broche en or, j’ai envoyé, début mars 2007, un dvd de Tabite or not Tabite à l’attention de Gilles Jacob et du comité de sélection qui, le feu au cul, me répond dans les 24 heures : « Votre film TABITE OR NOT TABITE n'a été retenu ni pour LA COMPETITION OFFICIELLE, ni pour UN CERTAIN REGARD ni pour LA CAMERA D'OR. ». À cause de son titre, ils ont pris Tabite or not Tabite pour un film porno. Il faut être stupide pour croire que le comité de sélection du Festival de Cannes peut, d'une manière objective et honnête, visionner, calmement et scrupuleusement, 1 645 films, représentant une moyenne de 3 000 heures de projection, sans commettre des injustices et des favoritismes. Dès lors, je peux affirmer que le choix pour les futures sélections et pour la future Compétition Officielle de 2008, sont déjà arrêtés, du moins pour certains cinéastes et producteurs, amis et proches du Président du Festival, Gilles Jacob, et de ses collaborateurs. 

Pour sa 74ème cuvée 2021, le Festival de Cannes, qui n’a pu se tenir l’année dernière, à cause du Coronavirus, a reçu et visionné 2 300 longs métrages dont 23 ont été choisis et retenus. Parmi les 23 gagnants de cette louche loterie, le publiciste-producteur de sitcoms, de feuilletons télévisés, de téléfilms et de capsules, le réalisateur franco-marocain Nabil Ayouch, avec son film franco-marocain : HAUT ET FORT, un titre imposé par la partie productrice française, car le titre original du scénario pour lequel Nabil Ayouch a obtenu du Fonds d’aide à la production cinématographique marocaine (l’avance sur recettes), la somme de 3 600 000,00 dirhams, dont les deux tiers iront probablement à ses comptes bancaires, était POSITIVE SCHOOL. Tout comme son film LES ETOILES DE SIDI MOUMEN, devenu LES CHEVAUX DE DIEU, titre imposé par la partie productrice française.

Avec Thierry Frémaux, ancien responsable, chargé de réceptionner les films,  envoyés par leurs réalisateurs au Festival Cannes, un homme que j’ai eu au téléphone, en 2004, pour m’assurer s‘il avait bel et bien reçu la copie en 35 mm de mon film Les Années de l’exil, le Festival de Cannes a perdu de sa crédibilité, comme le prouve le film ADELE, un fesse-tival de fesses, choisi par Thierry Frémaux pour concourir et gagner la Palme d’or qu’il a remportée, alors qu’il était encore en plein montage. Aussi, en offrant la Compétition Officielle sur un plateau de thé à un faiseur de téléfilms, de séries télévisées, de feuilletons et de sitcoms marocains, souvent creux, incolores et sentant mauvais, Thierry Frémaux montre que l’éthique du Festival de Cannes est bel et bien bradée grâce au copinage.

Je trouve scandaleux et révoltant que Nabil Ayouch, qui demeurera à mes yeux un brillant ramasseur d’argent, devenu, en l’espace de deux décennies, un homme très riche, un milliardaire qui se la coule douce entre Casablanca et Paris, a pu empocher, haut-la-main, la somme de 18 000 000, 00 de dirhams pour la production de cinq petits films, franco-marocains, à 80% réalisés par des techniciens étrangers. Je trouve également étrange qu’en l’espace de trois ans, Miriam Touzani, l’épouse du milliardaire Nabil Ayouch, reçoive du Fonds d’aide à la production cinématographique marocaine (l’avance sur recettes), la somme de 7 900 000,00 dirhams pour ses deux premiers longs métrages. 

S’il y a un créateur qui doit être scandalisé, dégoûté et en colère, c’est bien moi, l’immense créateur Nabyl Lahlou, qui n’a reçu du Fonds d’aide à la production cinématographique, de 1985 à 2010, que la somme de 7 100 000,00 dirhams pour mes cinq films, cinq grands films à 100% marocains.

Heureusement que le nouveau modèle de développement, qui vient de recevoir la bénédiction royale, va pouvoir mettre un terme définitif aux favoritismes et aux privilèges ainsi qu’aux arnaques et escroqueries qui découlent des productions de films, téléfilms, feuilletons et autres séries télévisées et sitcoms dont profitent et continuent de profiter les mêmes personnes

Nul n’est prophète en son pays, les nuls en profitent énormément.

 

Rabat 5 juin 2021

Signé Nabyl Lahlou

    


 


mercredi 2 juin 2021

KHALID JAMAÏ EST MORT

KHALID JAMAÏ EST MORT


En ce 1er juin 2021, Khalid JAMAÏ s’en va rejoindre dans le royaume des morts toutes les femmes et tous les hommes qui se sont battus pour que leur pays, le royaume du Maroc, devienne réellement une grande nation, indépendante, libre, démocratique et prospère. 

Profondément révolté contre le Makhzen, cette machine invisible, face cachée, archaïque, féodale et hideuse de la monarchie, qui bloque et freine les ambitions de cette même monarchie, l’empêchant d'être comme toutes les monarchies, paisibles, sereines, humanistes, démocratiques, constitutionnelles et parlementaires, comme c’est le cas en Belgique, en Norvège, en Suède, en Espagne, en Angleterre, au Danemark ou au royaume du… Berberimare, Khalid Jamai, homme libre, journaliste libre et indépendant, est arrêté par les flics, en 1973, pour avoir publié, en première page du journal L’Opinion, une photo, montrant Son Altesse royal, le prince hériter Sidi Mohammed, et son frère, Son Altesse royal le prince Moulay Rachid, en train de regarder des enfants, assis par terre, tendant leurs mains pour mendier. Si l’auteur de la photo, Mohamed El Oufir, a été relâché, Khalid Jamai passera plusieurs mois chez la police, sans jamais être jugé. Il retrouvera sa liberté grâce aux interventions de personnalités marocaines auprès du roi Hassan II qui était encore sous le choc de la trahison de ses généraux.

Avant de devenir journaliste au journal L’Opinion, puis son rédacteur en chef, Khalid Jamais était au Cabinet de Mohamed El Fassi, le premier ministre de la Culture du royaume du Maroc, un ministère crée en 1969.

C’est au début du mois de janvier de l’année 1970 que j’ai eu le plaisir de rencontrer Khalid Jamai dans son bureau au ministère de la Culture où je m’étais rendu pour solliciter un soutien pour monter ma pièce de théâtre Les Tortues.

C’est grâce à l’appui moral et matériel de Khalid Jamai que Les Tortues a pu être montée et être présentée au théâtre Mohammed V, avant d’être interdite, officiellement. Cette interdiction avait choqué et scandalisé Khalid Jamai qui la dénonça par un article humoristique que L’Opinion publia. Khalid Jamai récidive en me soutenant pour ma nouvelle pièce La Grande kermesse qui sera, elle aussi,  interdite. C’était en mars 1971, année où le peintre Jilali Gharbaoui a été retrouvé mort, couvert de neige sur un banc au Champs de mars à Paris, où la température était tombée à moins 7°. Khalid Jamai rendra hommage à Jilali Gharbaoui à travers toute une page que publiera L’Opinion. Hossein Kadri, et moi, participâmes à l’hommage ; et c’est grâce à Khalid Jamai, qui a su convaincre son ministre Mohamed El Fassi, que la dépouille de Jilali Gharbaoui a pu être rapatriée au Maroc et enterrée dans le fief du grand peintre. 

Les deux tentatives de putschs militaires (10 juillet 1971 et 16 août 1972), n’ont pas réussi à sonner le glas du Makhzen séculaire. Aussi, au lieu que la monarchie tire une leçon des deux putschs ratés, en abordant une nouvelle approche humaine pour une nouvelle gouvernance humaniste et juste, elle préfère durcir le ton et se durcir le visage en entamant une politique qui mène le pays vers une dictature, appelée Les années de plomb. Une politique qui favorise l’éclosion de l’ignorance, de la pauvreté matérielle, intellectuelle, spirituelle et religieuse. Cette misère, sous tous ses aspects, continue de faire des ravages dans un pays qui ne mérite absolument pas d’être ce qu’il est. 

Pendant toutes ces décennies noires et honteuses, Khaled Jamai a pris sa plume pour combattre les abus et les injustices. Il a tenu bon, sans faillir, face à son âme et sa conscience. Ses articles dans l’Opinion restent les témoins de son honnêteté intellectuelle et de sa probité de journaliste. Aussi, les très nombreuses interviews qu’il a accordées aux nombreux sites électroniques montrent combien Khalid Jamai aimait son pays et le voulait différemment de ce que le Makhzen en a fait.


Khalid Jamai, ce paisible et lucide monarchiste, nous quitte définitivement. Il est monté, heureux et fier, chez Allah Qui a déjà reçu, depuis le 11 mai dernier, Abdallah Zaazaa, un paisible et serein républicain, un républicain jusqu’à sa mort.


Chez Allah, il y a de l’amour pour tout le monde, pour celles et ceux qui ont été justes de leur vivant.


Rabat 1er juin 2021

Nabyl Lahlou