lundi 4 mai 2020

Le 22-20 aux oubliettes. Les tanks à leurs casernes.


Depuis une dizaine de jours, le Maroc fait l’objet d’éloges pour la réussite de sa gestion de la crise du Coronavirus. Des chaînes de télévisions françaises, et non des moindres, ainsi que des personnalités, connues pour leur probité intellectuelle et politique, félicitent le Maroc et le placent, au même titre que l’Allemagne, comme étant le pays qui a su le mieux lutter contre le Covid-19. Ces sympathiques témoignages envers notre pays, ne doivent pas nous faire oublier que le Maroc est très souvent classé parmi les cinquante derniers pays du globe. Dans un article publié dans la revue Sciences, daté du 19 juillet 2019, la Maroc y est désigné comme le pays le plus malhonnête du monde. Le gouvernement marocain aurait dû protester pour défendre notre honneur. Il ne l’a pas fait, mais il a le culot de nous braquer avec son projet de loi 22-20. Le gouvernement, face à la prolifération des idées exprimées par les citoyens à travers les réseaux sociaux, veut museler la liberté de penser et d’écrire librement dont peuvent jouir les citoyens. 

Ce projet de loi 22-20 sonne à mes oreilles comme la cartouche d’un pistolet au calibre 22-20. Il est à mes yeux, un Covid 22-20, une arme de destruction massive contre la liberté des citoyens d’utiliser les réseaux sociaux. « Sera puni d’une peine de prison de six mois à trois ans, ou d’une amende de vingt mille dirhams, toute personne qui incitera, via les réseaux sociaux, à boycotter les produits de consommation », annonce le projet de 22-20, qui  servira également de garde-fou pour parer aux dérives véhiculées par les réseaux sociaux, susceptibles, non pas de porter atteinte à la sûreté de l’Etat, mais aux biens des personnes les plus riches et les plus puissantes qui règnent politiquement et économiquement sur le pays. Le souvenir de la campagne de Boycott de 2018, qui causa des ravages économiques énormes et inestimables à plusieurs multinationales, a été sûrement l’un des inspirateurs de ce très, très mauvais projet de loi 22-20. Aussi, le gouvernement marocain, qui a décrété, le 20 mars dernier, un confinement généralisé à toute la population marocaine, qui l’a bien accueilli, accepté, respecté et continue de le respecter, avec son projet de loi 22-20, se découvre ingrat, irresponsable, irrespectueux envers le peuple marocain et indigne de sa confiance.

Les Marocaines et les Marocains ne sont ni bêtes ni stupides ; le gouvernement doit le savoir et en être convaincu, lui qui a la peur au ventre parce qu’il ne sait toujours pas comment aborder la levée du confinement. Mais il doit savoir qu’à la fin du confinement et au retour à la vie normale, il n’y aura ni désordres publics, ni débordements incontrôlables, ni un début d’émeute ou un zest de Siba. Rien de tout cela ne se produira car le peuple marocain, même si, dans sa large composante, a été privé d’instruction et de son droit au savoir le plus élémentaire, demeure un grand peuple, paisible et digne, malgré la pauvreté qui ne le quitte pas depuis des décennies. Par contre, tous les ministres et leur chef, qui se déplacent dans des Mercedes de luxe, habitent des villas dont certaines ont des allures de coquets petits palais, et perçoivent des mandats mensuels supérieurs aux mandats des ministres de grands pays européens, sans compter les incalculables privilèges, n’ont pas honte de vouloir nous flinguer avec leur 22-20. Ces ministres et leur chef, leur arrive-t-il pendant leur confinement de penser aux millions de familles marocaines qui vivent, entassées à cinq ou plus dans une pièce ou deux.

Les ministres de ce gouvernement, notamment celles et ceux du PJD qui sont issus de milieux modestes, et que la roue heureuse de la politique a fait chanceux, doivent avoir honte des richesses qu’ils ont accumulées en l’espace de deux législatives et s’interroger à comment ils ont fait pour devenir si riches. Aussi ce n’est pas à la liberté d’expression et la liberté de penser et d’écrire que le gouvernement marocain doit attenter avec son 22-20, mais s’atteler à combattre les inégalités sociales, les injustices, les abus de pouvoir, l’ignorance, l’analphabétisme, la pauvreté, la misère matérielle l’exploitation de la religion à des fins politiques et mercantilistes et à la défense de la liberté des citoyens.

De grâce ! Enterrez ce pistolet 22-20.
De grâce ! Renvoyez les tanks dans leurs casernes.

Rabat, le 2 mai 2020.
Nabyl Lahlou

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