mardi 26 mai 2020

Vivement la fin du hajar essehhi *

 Vivement la fin du hajar essehhi * 

Trois Royaumes et trois Républiques, à savoir la Belgique, l’Espagne la Hollande, l’Allemagne, la France et l’Italie, ont, depuis une quinzaine de jours, entamé une fin progressive du confinement, même si le Coronavirus, qui les a frappés en tuant des dizaines et des dizaines de milliers de leurs citoyens, continue de faire des victimes. Les citoyens de ces six pays européens, hautement industrialisés et très, très riches en vitamine L et D, c’est-à-dire en Liberté et en Démocratie, commencent à goûter au plaisir de se dégourdir les jambes, à la joie de gambader et au bonheur de se promener en respirant un air devenu extraordinairement pur, grâce au « confinement » des voitures, des autobus, des autocars,  des trains et des avions restés cloués dans leurs garages. Les millions d’émigrés marocains, vivant et travaillant dans ces six pays, ne peuvent que savourer, eux aussi, les bienfaits de la fin du confinement, sans s’empêcher de se demander quand est-ce que leur pays, le Maroc, va pouvoir annoncer la date d’ouverture de ses frontières terrestres, maritimes et aériennes afin qu’ils puissent organiser leurs vacances dans leur pays, le Maroc, auquel ils sont encore attachés. Par contre, les enfants de ces émigrés marocains, nés dans ces trois Royaumes et ces trois républiques, qui leur ont permis de réussir leurs vies, portent un regard hautain et paternaliste sur le pays de leurs géniteurs qu’ils voient encore très sous-développé.
Curieusement, d’autres enfants d’émigrés marocains ont accepté de composer l’équipe nationale de football. Ces jeunes joueurs, belges, hollandais, français, allemands et italiens à cause de leur langue et leurs mentalité, sont vite tombés sous le charme du pays de leurs parents. Séduits par les fastes des somptueuses soirées et dîners que leur offrent les responsables marocains qui les ont recrutés, ils ont très vite pris l’habitude de venir passer des vacances au pays de leurs géniteurs pour bluffer leurs indigènes de cousins, proches ou lointains, en frimant aux volant de leurs bolides, quitte à renverser et tuer des de paisibles passants. Ils s’en sortent très facilement en payant très cher les familles très pauvres des victimes, qui renoncent aux poursuites judiciaires. Ces jeunes footballeurs, d’origine marocaine, n’oseront jamais se comporter de la sorte dans ces trois Républiques et ces trois Royaumes où ils sont nés et dont ils portent la nationalité. 
Les quelques chaînes de télévision françaises ainsi que les quelques politiciens français, de gauche comme de droite, d’extrême droite comme d’extrême gauche, qui ont louangé, il y un mois, le Maroc pour « Sa gestion réussie de la pandémie du Coronavirus», doivent se demander pourquoi notre pays, qui n’a enregistré jusqu’à présent que deux cents victimes du Coronavirus, n’entame toujours pas son déconfinement, alors que la France, qui déplore plus de vingt neuf mille morts, l’a fait. 
Les esprits caustiques et sarcastiques diront que le Coronavirus a voulu d’abord secouer les pays pauvres en les mettant en face de leurs  structures sanitaires décadentes et leurs responsabilités. Bénissons donc le Coronavirus d’avoir épargné à notre pays une véritable hécatombe et remercions-le chaleureusement de n’avoir causé que peu de morts dans les pays en voie de démocratisation, dont la Tunisie qui a ouvert l’avenue Bourguiba aux promeneurs et les belles plages de Djerba aux baigneurs. Puisse donc le gouvernement marocain ne plus avoir peur pour mettre une fin rapide au confinement qui commence vraiment à peser lourd sur la vie des citoyens, sur leur mental et leurs maigres bourses. Puisse-t-il (Le gouvernement) avoir une vision futuriste pour ouvrir vite toutes les frontières afin que l’été brille de mille bonheurs dont profiteront les marocains résidents à l’étranger ainsi que leurs enfants qui doivent cultiver de belles attaches avec le pays de leurs parents. 
En attendant la fin du hajar essehhi,  soyons imaginatifs et pensons à notre future manière d’aborder notre futur retour à la vie normale.
Pensons à une autre manière de vivre ensemble avec un nouveau mode du « vivre ensemble », plein de fraternité et de convivialité où le puissant ne mangera plus le faible ;  le gros riche arrêtera d’étouffer le moins riche ; le mécanicien se sentira voleur de rouler l’automobiliste qui lui apporte sa voiture pour réparation ;  le tôlier aura vraiment honte d’utiliser des restes de pots de peintures pour refaire à neuf la peinture des véhicules qui lui ont été confiés ; le citoyen ordinaire n’aura plus peur quand il est convoqué par la police ou la justice ; les piétons, souvent des cadres et des étudiants, s’arrêteront au feu vert pour laisser passer des automobilistes ; le gendarme ne rackettera plus son prochain au pourtour d’un rond point ; le policier, gradé et imbu de son grade, n’insultera plus, ne giflera et n’humiliera plus un triporteur parce qu’il a mal stationné son véhicule à trois roues.
Faisons travailler notre imagination et prenons nos désirs pour des réalités afin de bâtir un nouveau Maroc, où les jeunes entrepreneurs, âgés de 20 et 25 ans, ne se verront plus sabotés et leurs premiers projets rejetés  par des bureaucrates, des décideurs et des utilisateurs de tampons, tous des vendus et des corrompus jusqu’au trognon, à l’image de la faune administrative décadente et morbide.
Repensons un autre Maroc où les imaginatifs, les créatifs, les innovateurs, les utopiques, porteurs de rêves et d’audaces, pourront, grâce à leur savoir-faire, à leur génie, à leur amour pour la liberté et l’indépendance de leurs esprits, diriger le pays pour le placer vite parmi les cinquante premières nations prospères et démocratiques du globe.
Rêvons d’un Maroc qui comprendra, enfin, que la Culture est aussi importante, vitale et rentable que l’Economie. 
Rêvons d’un Maroc nouveau qui produit de grands films et de grands téléfilms de fiction sur notre Histoire que le peuple ignore complètement  et dont il est totalement coupé. Le peuple ne connaît de l’Histoire de son pays que ce que le parti unique de l’audiovisuel, composé des chaînes des télévisions Al Oula et 2M, veut bien lui cuisiner et lui donner à manger. 
Rêvons donc d’une grande télévision marocaine, dont les dirigeants  n’hésiteront pas à donner de grands moyens à de vrais réalisateurs marocains, impliqués humainement et politiquement, pour réaliser de grands films et téléfilms qui honorent le pays.
Personnellement, combien de fois me suis-je vu en train de réaliser une grande fresque cinématographique sur les deux putschs militaires ratés. Aussi, moi qui, en 1967, avais écrit une pièce de théâtre sur l’affaire Ben Barka, combien de fois ai-je rêvé de réaliser un grand  téléfilm sur le kidnapping et l’assassinat de Mehdi Ben Barka en 1965 à Paris. 
Rêvons donc d’une grande télévision marocaine qui fait la fierté des Marocaines et des Marocains en produisant des films pour faire aimer l’Histoire de notre pays et celles et ceux qui l’ont faite et écrite. Un film sur le sultan Mohamed Ben Youssef qui a préféré la liberté et la dignité en acceptant l’exil au lieu de garder un trône aux services de la France colonialiste, ne peut que contribuer à l’édification de notre Histoire encore ignorée et falsifiée. L’exil du roi et de la famille royale, qui a commencé en Corse pour continuer et se terminer à Madagascar, François Salvaing, écrivain et journaliste, né en 1943 à Casablanca qu’il quitta en 1962, le décrit et le raconte, jour par jour, pendant 818 jours, titre de son roman. 
M’ayant fait parvenir son roman, il y a quatre ans,  je l’avais lu et trouvé très très riche pour être porté au grand écran, pour faire revivre cet odieux complot du Résident général, le sinistre général Guillaume, qui, la nuit du 20 août 1953, expedia le sultan Mohamed Ben Youssef, accompagné de la famille royale, en exil en Corse, Après 818 jours d’exil, le sultan retournera dans son royaume et retrouvera son trône en tant que Sa Majesté le roi Mohammed V, père de la Nation.
Je vous le dis et vous le répète, ça ne coûte absolument rien de rêver. 
Laissez moi donc rêver que je suis mort mais que je renaîs dans un autre Maroc, un Maroc très en avance, où réaliser 818 jours et Aliya Lhallaj (sur les deux putschs militaires ratés), n’est que monnaie courante.   

Mardi 26 mai 2020
Nabyl Lahlou

*Le confinement

    

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