mercredi 2 juin 2021

KHALID JAMAÏ EST MORT

KHALID JAMAÏ EST MORT


En ce 1er juin 2021, Khalid JAMAÏ s’en va rejoindre dans le royaume des morts toutes les femmes et tous les hommes qui se sont battus pour que leur pays, le royaume du Maroc, devienne réellement une grande nation, indépendante, libre, démocratique et prospère. 

Profondément révolté contre le Makhzen, cette machine invisible, face cachée, archaïque, féodale et hideuse de la monarchie, qui bloque et freine les ambitions de cette même monarchie, l’empêchant d'être comme toutes les monarchies, paisibles, sereines, humanistes, démocratiques, constitutionnelles et parlementaires, comme c’est le cas en Belgique, en Norvège, en Suède, en Espagne, en Angleterre, au Danemark ou au royaume du… Berberimare, Khalid Jamai, homme libre, journaliste libre et indépendant, est arrêté par les flics, en 1973, pour avoir publié, en première page du journal L’Opinion, une photo, montrant Son Altesse royal, le prince hériter Sidi Mohammed, et son frère, Son Altesse royal le prince Moulay Rachid, en train de regarder des enfants, assis par terre, tendant leurs mains pour mendier. Si l’auteur de la photo, Mohamed El Oufir, a été relâché, Khalid Jamai passera plusieurs mois chez la police, sans jamais être jugé. Il retrouvera sa liberté grâce aux interventions de personnalités marocaines auprès du roi Hassan II qui était encore sous le choc de la trahison de ses généraux.

Avant de devenir journaliste au journal L’Opinion, puis son rédacteur en chef, Khalid Jamais était au Cabinet de Mohamed El Fassi, le premier ministre de la Culture du royaume du Maroc, un ministère crée en 1969.

C’est au début du mois de janvier de l’année 1970 que j’ai eu le plaisir de rencontrer Khalid Jamai dans son bureau au ministère de la Culture où je m’étais rendu pour solliciter un soutien pour monter ma pièce de théâtre Les Tortues.

C’est grâce à l’appui moral et matériel de Khalid Jamai que Les Tortues a pu être montée et être présentée au théâtre Mohammed V, avant d’être interdite, officiellement. Cette interdiction avait choqué et scandalisé Khalid Jamai qui la dénonça par un article humoristique que L’Opinion publia. Khalid Jamai récidive en me soutenant pour ma nouvelle pièce La Grande kermesse qui sera, elle aussi,  interdite. C’était en mars 1971, année où le peintre Jilali Gharbaoui a été retrouvé mort, couvert de neige sur un banc au Champs de mars à Paris, où la température était tombée à moins 7°. Khalid Jamai rendra hommage à Jilali Gharbaoui à travers toute une page que publiera L’Opinion. Hossein Kadri, et moi, participâmes à l’hommage ; et c’est grâce à Khalid Jamai, qui a su convaincre son ministre Mohamed El Fassi, que la dépouille de Jilali Gharbaoui a pu être rapatriée au Maroc et enterrée dans le fief du grand peintre. 

Les deux tentatives de putschs militaires (10 juillet 1971 et 16 août 1972), n’ont pas réussi à sonner le glas du Makhzen séculaire. Aussi, au lieu que la monarchie tire une leçon des deux putschs ratés, en abordant une nouvelle approche humaine pour une nouvelle gouvernance humaniste et juste, elle préfère durcir le ton et se durcir le visage en entamant une politique qui mène le pays vers une dictature, appelée Les années de plomb. Une politique qui favorise l’éclosion de l’ignorance, de la pauvreté matérielle, intellectuelle, spirituelle et religieuse. Cette misère, sous tous ses aspects, continue de faire des ravages dans un pays qui ne mérite absolument pas d’être ce qu’il est. 

Pendant toutes ces décennies noires et honteuses, Khaled Jamai a pris sa plume pour combattre les abus et les injustices. Il a tenu bon, sans faillir, face à son âme et sa conscience. Ses articles dans l’Opinion restent les témoins de son honnêteté intellectuelle et de sa probité de journaliste. Aussi, les très nombreuses interviews qu’il a accordées aux nombreux sites électroniques montrent combien Khalid Jamai aimait son pays et le voulait différemment de ce que le Makhzen en a fait.


Khalid Jamai, ce paisible et lucide monarchiste, nous quitte définitivement. Il est monté, heureux et fier, chez Allah Qui a déjà reçu, depuis le 11 mai dernier, Abdallah Zaazaa, un paisible et serein républicain, un républicain jusqu’à sa mort.


Chez Allah, il y a de l’amour pour tout le monde, pour celles et ceux qui ont été justes de leur vivant.


Rabat 1er juin 2021

Nabyl Lahlou

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire