lundi 13 février 2012

C'ETAIT LE 20 MARS 2000

Les événements de toutes sortes qui secouent notre pays, chaque jour et tous les jours, me poussent à publier dans mon blog cette réponse que j'avais envoyée à l'Express suite à son enquête : " L'Express et les 100 qui font bouger le Maroc". 
Cette réponse à L'Express a été publiée par LE MATIN DU SAHARA, le 30 mars 2000, et  par le magazine MAROC HEBDO,  le 07 avril  2000.
 
VOICI LE TEXTE DE MA RÉPONSE A L'EXPRESS

 Ce sont de succulents et riches moments que L'Express me donne à lire et à goûter à travers ces interviews qu'il réalise avec ces artistes-créateurs-penseurs, invités sur un espace de plusieurs de ses pages, à parler, à s'exprimer, à défendre leurs idées, à faire part de leurs visions et préoccupations universelles.
C'est une sensation de sérénité, faite de sentiments d'humilité, de modestie, de satisfaction et de fierté, qui se dégage de ces entretiens que font vivre et partager les invités de l'entretien, communicant ainsi à l'artiste-créateur-penseur, seul, solitaire, marginalisé et volontairement combattu, une forte dose de solidarité, de soutien et de réconfort.
Dès lors, l'artiste seul et solitaire, celui qui vit dans les fins fonds des pays acculturés, ne se sent plus seul; il sourit, sachant que son combat et son refus du compromis et des compromissions, finiront par sonner le glas de cette quotidienne "cocacolisation" de l'espèce humaine. Aussi, en tant que Marocain, je ne peux vous cacher combien je me suis senti agressé et secoué dans mon être, mon esprit et ma sensibilité d'artiste-penseur-créateur, par ce titre, volontairement  "nargueur", que L'Express a donné à la couverture de son numéro consacré aux 100 qui font bouger le Maroc. 

Les vrais et grands changements pour le Maroc, les véritables changements pour un nouveau Maroc, les changements en profondeur du futur Maroc, pour une nouvelle image d'un Maroc nouveau, viendront du Roi, seront assumés par le Roi, grâce aux sacrifices acceptés et consentis par le Roi, dans une monarchie "désacralisée" et "déprotocolisée", une monarchie de sobriété et de simplicité, une monarchie baignant dans une splendide ferveur populaire et démocratique.
Mettre sur le même piédestal, comme le fait L'Express, de grands hommes au service de leur pays, comme Me Abderrahmane El Youssoufi, le Prince Moulay Hicham, le professeur Wajih Maâzouzi... et de minuscules faiseurs de films et voraces prestataires de services cinématographiques, à l'image de Sarim Fassi Fihri, qui eut recours à la menace et à l'intimidation, en décidant, au nom de l'ex-ministre de l'Intérieur, Driss Basri, de m'interdire, en compagnie de mon épouse, d'assister à la cérémonie de clôture du dernier festival du film marocain, tenu en novembre 1998, est tout bonnement indécent et honteux. Mettre sur le même pied d'égalité, comme le fait L'Express, de grands militants et anciens prisonniers politiques, comme Salah El Wadie, Driss Benzekri, Sion Assidon, Younès Moujahid.... ou un soldat, comme le capitaine Adib, qui vient d'être condamné à cinq ans de prison, pour avoir "commis l'erreur" de dénoncer quelques militaires corrompus et imbus de leurs galons, et l'inculte Bziz, ce rigolo qui n'arrête pas, d'un côté, d'arnaquer les organisations des droits de l'Homme, les amicales des travailleurs, les diplômes-chômeurs et certains directeurs de journaux, pour se faire son beurre et, d'un autre côté, intimider et menacer, en bon flic borné qu'il peut être, tous ceux qui, comme moi, dénoncent ses arnaques et voient en son "bziz-onanisme", un juteux fonds de commerce et une véritable atteinte à la vérité et la liberté d'expression, est tout simplement méprisable.
Faire jouer, comme le fait L'Express, le même rôle dans la marche et la construction du Maroc, à des dames comme Najat M'jid, Hakima Himmich, Aïcha Chenna, Christine Daure-Serfaty.... qu'à une actrice débutante, qui ne cesse d'affirmer, dans une pub à la télé, que l'huile "de tournesol ne donne pas le cholestérol", est une plaisanterie de très mauvais goût.
C'est tremper sa plume dans le ridicule et le grotesque que de qualifier de "personnage qui fait bouger le Maroc", un comédien débutant qui, à trente trois ans, n'a encore rien fait de sérieux ou d'intéressant dans sa carrière, en dehors de faire de la pub à la télé pour des produits alimentaires, de se faire photographier avec son bébé devant les caddies des supermarchés, de faire le "confident téléphonique" ou de jouer, en bonne "coqueluche des jeunes filles marocaines", dans des films roman-photos.
Voilà de quoi rendre jaloux "celui qui veut favoriser le dialogue inter-religieux", et qui s'avère incapable de la moindre convivialité, puisqu'il n'eut aucune honte à réquisitionner, pour lui seul et pour les beaux yeux de ses sept assistants, les deux balcons des deux salles de théâtre pour pouvoir "visionner" tranquillement les pièces qu'il avait la charge de juger, en tant que président du jury du premier festival du théâtre national, tenu en juillet dernier.C'est vraiment se moquer des gens et se payer, royalement, les esprits sains, que de gratifier de "personnalités qui font bouger le pays", ces exilés de luxe qui se la coulent douce, à l'image de Noureddine Saïl, Fouad Laroui ou Hamid Berrada, l'instigateur de ce dossier sur le Maroc, ou ces milliardaires et hommes d'affaires, ces fondés de pouvoir de grandes sociétés, à l'image de ce spécialiste en informatique et bureautique, que le journaliste Stephen Smith, dans son livre "Oufkir, un destin marocain", présente comme ayant été l'amant de la femme du général, cette veuve qui n'arrête pas, à coup d'interviews, de promouvoir son livre "Dans les jardins du Roi", dont elle a décidé de verser la totalité des recettes à l'association Bayti, qui se bat pour sauver les enfants des rues.
Voilà de quoi donner au général putschiste "auto-suicidé", une image autre que celle du bourreau des enfants de mars 65, mais je doute fort que la présidente de Bayti accepte de tels "fruits", provenant d'un tel "jardin", autrement, elle donnera raison à toutes celles et à tous ceux qui pensent qu'ils sont rares, très rares, ceux et celles en mesure de conduire les locomotives des trains d'aujourd'hui et de demain, des trains idéaux pour brûler les étapes, des trains pour gagner le temps perdu, des trains que le Premier ministre se doit de mettre sur les rails, pour mettre hors d'état de nuire, les 100 qui les bloquent, et neutraliser et combattre les mille, les dix mille, les cent mille qui empêchent le Maroc de bouger et de progresser, ce Maroc de trente millions d'habitants, dont 65% ne savent ni lire ni écrire.
Un Maroc qui ne possède qu'un seul véritable grand théâtre. Un Maroc dont 90% des grandes et petites villes n'ont pas de théâtre ni de maisons de culture. Un Maroc dont 90% des petites villes et 100% des villages n'ont pas de salles de cinéma.
Un Maroc dont les deux télévisions publiques ne peuvent offrir aux citoyens plus de deux ou trois téléfilms par an et moins de deux ou trois téléfeuilletons par an. Un Maroc qui ne possède même pas deux ingénieurs du son pour le cinéma, ni deux ou trois bons directeurs de la photographie ou deux ou trois chefs-monteurs.
Un Maroc dont les "cinéastes", les distributeurs et les exploitants sont incapables de donner à voir, dans les salles marocaines, plus de deux ou trois films par an. Un Maroc dont la production théâtrale de qualité, digne de ce nom et de la création, dépasse rarement deux ou trois pièces de théâtre par an. Un Maroc dont les penseurs, les philosophes, les poètes, les nouvellistes, les romanciers, les écrivains et les dramaturges, ne "pondent" pas plus d'une vingtaine de titres par an.


Fait à Rabat le 25 mars 2000
Nabyl Lahlou,

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire